C’est un constat alarmant et rageant, que nous fait le réalisateur Alexis Langlois, pourtant dans la joie et dans la bonne comédie barrée. Il lui aura toutefois traversé le maelström de la production, part financement, chose qu’il attaque de plein fouet et sans lésiner sur la charge de botox à injecter. Depuis le court « De la terreur, mes sœurs ! », qui révélait un quotidien agressif pour les transgenres, c’est le même discours qu’il résonne. L’idée est de marginaliser ce petit monde, surtout à travers le médium du cinéma, là où l’on peut à la fois faire vibrer ses interprètes et les spectateurs qui les accompagnent lors de la projection. Mais pour en arriver là, c’est autant de créatures maléfiques que l’héroïne devra affronter, que ses propres convictions, appelées à être amputé par les vampires d’une industrie qui ne jurent que par la pudeur du mainstream.
C’est dans une chambre que tout commence et que toutes les passerelles vers l’imaginaire s’annoncent. Dorothy, incarnée par Justine, la sœur du réalisateur, est au milieu de l’écriture d’une aventure queer révolutionnaire et qui assumer jusqu’au bout la fantaisie, comme le catalyseur de tout l’objet de son divertissement. Les interprètes ne manquent donc pas l’occasion de se dévoiler un peu plus, corps et âme dans une chevauchée onirique, à dos de bécanes scintillantes et rugissantes. Hélas, cette version glittercore ne plaît pas à tout le monde. Sa mère la harcèle pour qu’elle reste plus discrète, tandis que d’autres incarnations de son entourage cherchent à vampiriser Dorothy. Les illustrations s’enchaînent ainsi, à travers l’esthétique gothique que l’on pourrait tirer de « Buffy contre les vampires », mais les références seront plus nombreuses et feront couler autant de sang que de silicone.
Le cinéma français en prend pour son grade, dont la plupart des ambassadeurs, même étrangers, seront amener de force, comme en témoigne l’alter ego maléfique directement inspiré de Xavier Dolan. Ce qui est réclamé comme de l’ordre de l’intimité dans les œuvres financés, c’est avant tout une certaine vérité et une pureté des sens ou de la vision des sujets. Si on le pouvait, on ne relaierait pas avec autant de dureté cette notion de transphobie dans ce court, qui ne recule devant rien pour diaboliser ses détracteurs par des visages similaires. L’apparence n’est donc pas le facteur déterminant pour que cela gagne à être respecté, mais cela tient davantage d’une reconnaissance naturelle, recherchée par chaque personne soutenant l’œuvre et son discours.
On ne demande pas à communiquer en split-screen avec ceux qui ne consacrent pas assez de temps pour explorer un désir, à la fois sensuel et outrancier, avant que « Les Démons de Dorothy » ne nous ramène vers tout ce qu’il y a de plus réel dans la bêtise et les plaies d’une industrie malade.