Le paria du poireau
A part, Adopte un veuf, - avec pas mal d’indulgence -, il n’y a pas grand-chose à sauver de la filmographie de François Desagnat, un besogneux de la comédie. Pourtant, il bénéficie souvent de casting flatteur comme c’est encore le cas pour ces 82 minutes. Mais cette fois, et c’est nouveau pour lui, il a trouvé un scénariste hors du commun, Fabcaro. Fabrice, acteur de comédie, réalise qu’il n’a pas sa carte de fidélité alors qu’il fait ses courses. Malgré la menace d’un vigile, il parvient à s’enfuir. Commence alors une cavale sans merci, pour celui qui devient rapidement l'ennemi public numéro 1. Alors que les médias s’emparent de l’affaire et que le pays est en émoi, le fugitif, partagé entre remords et questions existentielles, trouve un point de chute inattendu, quelque part en Lozère. Surréaliste, complètement déjanté, le film tente – et réussit somme toute pas mal – à retrouver l’esprit de la BD de 2015 en mêlant critique sociale et éclats de rire.
J’adore Fabcaro, célébrissime auteur de BD et son univers. Rien qu’en lisant les titres de ces ouvrages, comme Le Steak haché de Damoclès, On est pas là pour réussir, Z comme Don Diego, Cow-boy stagiaire, Formica, une tragédie en trois actes, on comprend mieux l’esprit du bonhomme. Ce Zaï, zaï, zaï, zaï a été son 1er gros succès couronné 5 fois dans divers festival dont le Grand prix de la Critique. Un de ses romans graphiques avait déjà été adapté l’an dernier par Laurent Tirard, Le Discours. Ce road-movie est à l’image de la BD éponyme, fou, libre et totalement absurde. Mais, c’est le moyen utilisé pour bâtir une énorme critique de notre société atteinte de paranoïa aiguë. Aujourd’hui, certains vivent dans une véritable obsession : le moindre geste esquissé, la moindre phrase prononcée sont analysés, disséqués, critiqués puis, passés à la moulinette des médias et des réseaux sociaux. Ce personnage porte toutes ces craintes et ces angoisses qui sont ici poussées jusqu’à l’absurde et le non-sens jubilatoire. Un exemple pris dans la 1ère scène du film. Le héros menace une caissière de supermarché en brandissant… un poireau. Le vigile appelé à la rescousse lui demande – pas au poireau, au héros ! -, de poser le légume doucement ponctuant cet ultimatum d’un « ne m’obligez pas à faire une roulade arrière »… Et c’est parti pour une heure vingt de folie douce… On aime ou on aime pas… moi j’adore.
On ne parlera pas ici de grand cinéma. C’est évidemment un film de scénario, de dialogues – foutraques à souhait – et de comédiens. Jean-Paul Rouve retrouve ici l’esprit des Robins des Bois de ses débuts. Il campe sans doute le seul personnage à peu près sain d’esprit dans ce rendez-vous des dingos où l’on croise, Julie Depardieu, Yolande Moreau, Ramzi Bedia, Julie Gayet. Et je ne vous parle pas de la chanson de solidarité façon Les enfoirés -, envers le fuyard réunissant sous la direction de Benjamin Biolay, Kad Mérad, Arié Elmaleh, Maurice Barthélémy, F.X. Demaison, Hélène Noguerra, Mathieu Madénian, Nicole Ferroni, MC Solar et plein d’autres que je n’ai pas eu le temps d’identifier… Un must ! Ça n’arrête pas. Jusqu’après le générique de fin. Un bijou de loufoquerie qui fait du bien en ces temps de sinistrose généralisée. Irrésistible !