Big Bug est une pièce de théâtre, du théâtre de boulevard. C'est déjà le premier postulat que la foule hargneuse qui s'en prend au film n'a pas su comprendre. Si c'est un peu ringard, si c'est un peu gênant, si c'est kitsch, si c'est surjoué...Ce n'est pas un accident. C'est volontaire. Vous avez le droit d'aimer ou de ne pas aimer, mais c'est déjà la première chose à reconnaître pour accepter l'univers que nous présente Jeunet. Vous êtes entre la sitcom et la pièce de théâtre.
Secundo, cette pièce de théâtre est d'une folle inventivité, fourmille d'idées créatives (certaines technologies étant volontairement obsolètes et anachroniques) et se pare dans une ironie, un sarcasme et un cynisme assez fou. Le commentaire social, politique, philosophique sur cette stupide France de la société de consommation est permanent. Et contrairement à ce que vomit la presse, le commentaire est fin, les commentaires sont nombreux, les détails constants et l'humour assez taquin. Bref, une pièce de théâtre de boulevard qui ridiculise la condition de l'homme moderne, de ses obsessions futiles et de ses hypocrisies qui forment des ouragans.
Ce film pourrait être un excellent épisode décalé de Black Mirror, un épisode complet, une mise en abîme de la télé, un sitcom qui montre un décalage violent entre la légèreté des mœurs des chimpanzés que nous sommes et les menaces que nous font peser les technophiles, la domotique, l'IA, la surveillance de masse et la techno-dictature au-dessus de nos têtes.
Par ailleurs, les effets spéciaux sont géniaux, les effets de design aussi, avec un style 60's et une touche esthétique uchronique, certains effets pratiques sont absolument spectaculaires (Jeunet fait toujours des effets spéciaux ahurissants avec des budgets minimes à mille lieux de la laideur-fond-vert des blockbusters Hollywoodiens), la réalisation est dynamique et le cadre bien posé (à la manière de Jeunet, vous ne serez pas dépaysés) et certaines scènes de la fin du film sont franchement spectaculaires, vives et calibrées au millimètre avec des effets pratiques et numériques très percutants.
La presse a scindé le film, car en France, il est de bon goût de saboter toute personne qui a l'outrecuidance d'essayer et de proposer une vision artistique riche et totale qui semble déranger l'indigence créative et la pauvre imagination nationale.
Le film n'est pas parfait, le sur-jeu peut être pénible, sa fin manque un peu de profondeur, quoi qu'il en soit, ce film n'est pas un ratage, il est l'inverse et je préfère un film imparfait avec une forte proposition artistique qu'une énième fadeur convenue sur laquelle la presse française pratiquera son ordinaire onanisme.
Ce n'est pas parce que le film est léger (c'est une comédie) qu'il manque de profondeur. De plus le film commente notre époque (et jusqu'au Macrofascisme) à la perfection.