Le problème des films qui veulent à tout prix vous faire marrer à chaque réplique, c’est la surcharge : quand un quart des vannes fonctionnent dans une comédie standard, on peut déjà s’estimer satisfait. Ici, j’ai du sourire une demi-douzaine de fois…mais sur plusieurs centaines de tentatives. Chaque phrase, chaque interjection, chaque mot, chaque grimace, chaque mouvement poursuit inlassablement le même objectif. ‘En passant pécho’ vous file des coups de coude de connivence à chaque seconde, indifférent à l’idée que ça finit forcément par faire mal. On aimerait tellement qu’il nous laisse tranquille mais il ne veut pas. Il continue ses bourrades, ses clins d’oeil, ses ‘Hé t’as vu ? T’as vu ?”, comme un gros relou qui voudrait à tout prix devenir votre meilleur pote et qui ne comprendrait pas le langage non-verbal. Pourtant, le film ne partait pas forcément perdant : il s’agit d’une comédie Stoner, sous-genre peu usité en France, il y a une évidente volonté de mise en scène dynamique et même une dimension méta : le film déborde de générosité, on ne peut pas le lui reprocher mais le trop-plein, ici, vire à la crue : des acteurs en roue libre totale, qui donnent une dimension inédite au concept de sur-jeu, avalent leurs répliques, offrent des pantomimes dérangeants dans des scènes qu’on ne parvient souvent à raccrocher ni à ce qui précède ni à ce qui suit. Il suffit d’une dizaine de minutes pour perdre de vue l’idée même d’un scénario ou d’une direction d’acteur. C’est un peu comme si le réalisateur avait laissé tourner la caméra après les prises de vue, au moment où tout le casting fait le con ivre mort, et avait décidé de ne conserver que ces rushes là. Si le résultat avait simplement souffert des “maladresses du premier film exposant dix”, qu’il avait visé trop haut, on aurait pu hausser les épaules avec miséricorde…mais ‘En passant pécho” cumule les casseroles. Même dans les pires séries Z, j’ai rarement vu un tel bordel, une telle renonciation à cadrer, organiser, structurer quelque chose : en tant que spectateur, on se retrouve un peu dans les pompes du mec qui essaie de rire aux blagues de ses potes décalqués au whiskey-coca alors qu’il est au Perrier citron depuis le début de la soirée. A aucun moment dans ce poulet sans tête de la comédie française, on ne repère d’où ça vient, ni où ça va, ni même où on est,…sans compter que la volonté insistante du mec aux dialogues de balancer en rafales de la tirade culte façon banlieue wesh wesh sonne complètement fake. Il faut dire qu’il n’avait sans doute pas fréquenté les mêmes endroits dans sa jeunesse : scénariste, dialoguiste et réalisateur, désireux de faire son trou par lui-même et de montrer que la rue, ça le connaît, Julien Royal a refusé d’utiliser son véritable nom, Julien Hollande. Au moins, les petites blagues du paternel avaient-elles vertu à rester dans l’enceinte privée.