J'ai lu le roman il y a quelques années. Eh bien pour autant que je me souvienne, l'adaptation de Welles est d'une fidélité rare ! Il n'hésite pas à en reproduire la mécanique, jusqu'à devenir aussi éprouvant... Dés le début, on comprend que K. est cuit, le reste pouvant être perçu tant comme la vision prophétique d'une machine totalitaire, que comme une énumération symbolique de ce dont K. est coupable. Car il est coupable, soyons-en sûrs, même si on ne sait pas plus que lui de quoi exactement. D'où l'accablement qui peut s'abattre sur le spectateur, le privant parfois, gageons, de la beauté de dialogues TOUS signifiants... Je me réjouis par conséquent qu'Orson Welles ait choisi d'adapter le roman le plus dense de Kafka et pas, par exemple, le château. Mais la monotonie est cependant inévitable, qu'on éprouve à force de voir se répéter les échecs et les vexations, et rappelle que les nouvelles de Kafka sont encore supérieures à ses romans, de par leur brièveté même.
Perkins pourtant est extraordinaire, bouleversant dans la façon dont il nous fait ressentir l'effritement progressif de ses forces dans ce combat perdu d'avance. Sa colère, d'abord froide et rationnelle, se mue en désespoir, en sursauts pathétiques. Quant à la mise en scène de Welles, elle impressionne c'est sûr, mais la richesse de ce qui est montré fait qu'à la fin on demande grâce, ne fût-ce que le temps de souffler. Par ailleurs, je recommande aux élèves écoeurés par la double étude de cette oeuvre (littéraire et cinématographique) l'étonnant et plus récent "Brazil", de Terry Gilliam, qui s'en est largement inspiré tout en demeurant beaucoup plus accessible (et simpliste, diront les puristes).