Joseph K. se réveille comme chaque matin chez sa logeuse, mais cette fois-ci des policiers rentrent dans sa chambre et lui indiquent qu'il est accusé d'un crime qu'il ne veulent pas nommer. K. s'embarque alors dans une histoire presque sans queue ni tête...
Le Procès fait partie des œuvres emblématiques d'Orson Welles, qui occupe une place de choix dans l'histoire hollywoodienne. Et il faut le reconnaître, le statut de légende n'est pas surfait.
Welles choisit de commencer son adaptation par la fin du livre, et si cette ouverture a de quoi choquer au début, elle s'avère très vite intelligente vu le symbolisme de cette histoire qui arrive en fin de roman chez Kafka, comme une délivrance presque (et encore), apportant un semblant de réponse au casse-tête du récit, mais qui chez Welles donne en fait le ton, tout simplement. Et ça a de quoi en jeter.
Bien qu'Anthony Perkins n'ait rien à voir avec ce qu'on peut imaginer du personnage de Joseph K. dans le roman de Kafka, il tient tout de même admirablement le rôle et lui donne vraiment un aspect à la fois plus lisse et énigmatique. Impossible en le voyant de ne pas voir un peu de ses traits dans les acteurs Dylan O'Brien (The Maze Runner) ou Andrew Garfield (The Amazing Spiderman, The Social Network), la ressemblance entre les trois est presque frappante !
Anthony Perkins n'est pas le seul choix inattendu pour cette adaptation : là où on imagine les scènes du livre dans une société de la fin 19ème/début 20ème siècle, Welles ancre son action dans son époque, les années 60, et cela a de quoi dérouter un peu, bien qu'en parallèle cela apporte une autre dimension au récit. De toute façon, l'intrigue est intemporelle, donc ça colle quand même. De nombreux décors surprennent néanmoins, comme la maison de l'avocat (que pour ma part j'imaginais quand même plus petite ou surtout moins désordonnée), la cour où se trouvent les autres accusés en attente, ou encore et surtout le lieu de travail de K. qui n'a rien à voir avec une banque mais ressemble plutôt à une usine de traitement administratif (ce qui ajoute, il faut l'avouer, à l'abêtissement général et surtout la déshumanisation qu'entraîne le procès).
Enfin, Welles reprend les grandes lignes et surtout les moments les plus emblématiques du livre, sans s'attarder sur de nombreux détails. D'un côté il va à l'essentiel, mais de l'autre il néglige clairement les tourments de K. qui retourne dans tous les sens voire plus son problème, et surtout au bout d'un moment rentre complètement dans le jeu du procès. Or dans le film, K. n'a pas forcément l'air plus perturbé que ça, et s'embarque dans ce voyage sans retour presque sans réfléchir.
De plus, si le livre est long, le film, malgré ces grandes découpes précitées, reste long aussi. L'action reste pauvre, il faut l'admettre. Mais le réalisateur a toutefois su apporter un peu de dynamisme en embarquant son personnage dans un labyrinthe : chaque fois qu'il ouvre une porte, il se retrouve ailleurs, là où l'histoire le porte. C'est un pur voyage qu'on ressent tout de même moins dans le livre, et il faut avouer que ça a clairement son charme.
Quant à l'épilogue, la fin de K. est grandement différente entre les deux supports, il y a de quoi désorienter un peu plus !
Si Orson Welles a créé un film riche, au final le livre et le film instaurent des atmosphères différentes, et pourraient presque ainsi être complémentaires. Les deux étant très lents et très frustrants mais parvenant à raconter la même histoire sous des angles différents, on pourrait sans trop se tromper qu'ils se valent, jusqu'à un certain point. Une préférence pointe quand même le bout de son nez pour le livre, tout simplement parce qu'il est plus complet.
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