Le film de cinéma documentaire c’est mettre de la mise en scène dans une réalité défini afin d’en émettre un point de vue, aussi minime soit-il, au service de ce que l’on voit et que l’on ne peut contrôler. Alors, lorsque cette mise-en-scène est aussi brillamment utilisée dans un film tel que La Cravate, autant sur ce qui peut être maîtrisé que ce qui ne l’est pas, le public ne peut en être que captivé de bout en bout. Ce documentaire long-métrage réalisé par Mathias Théry et Etienne Chaillou relate ainsi la vie d’un jeune membre du parti d’extrême droite amené à s’investir davantage pendant les élections présidentielles de 2017, au travers notamment de sa vie privé, son passé difficile, ainsi que son ressenti postérieur que l’on découvre au fur et à mesure du film. Le fil conducteur est ainsi ces différents moments de redécouverte de ce qui s’est produit, il est en effet assis tranquillement sur un fauteuil avec cette lampe pour presque seul éclairage, face à nous, à commenter sur les situations passées comme lors d’un interrogatoire pour s’expliquer face à ses actes tout aussi invraisemblables pour nous les uns que les autres.
Cette manière de procéder permet notamment de comprendre par ces réactions bien choisies les pensés derrière chaque acte de Bastien et en apprendre un peu plus sur ses motivations qui mettent immédiatement une barrière avec le spectateur. On observe ainsi son insouciance, son dévouement et son isolement de tout autre pensé politique, un égarement idéologique mis en lumière par un véritable effort de mise-en-scène pour chaque plan qui permet clairement de maintenir notre attention et rythmer le film de bout en bout, où l’heure et demie de projection passe à une vitesse folle. En effet l’intérêt monte crescendo, plus les pensés de Bastien nous parvienne, plus il se confie sur son passé et sa vie privé, plus on en déduit sa propre opinion quant aux travers de notre société qui produisent ce genre d’individus. La voix off est quant à elle particulièrement présente mais très bien écrite, fluidifiant complètement le récit par son style et le structure autour de cette même montée d’attention au service de la réalisation.
Cependant on pourrai reprocher un air moqueur par de courts instants de cette voix du narrateur suivant les mots que les auteurs choisissent, jamais par hasard, qui dénotent quelque peu puisque l’on admet ici très bien le fait que juger le sujet du film est dénué d’intérêt au contraire de le comprendre, de laisser toutes ces pensées brut qui semblent toucher une si grosse partie de la population s’exprimer d’elles-mêmes car c’est ça qui est intéressant, une mise-en-scène transparente est alors nécessaires comme pour la plupart des documentaires et même de beaucoup de films en général, alors intégrer ici des musiques mélodramatiques paraît plutôt maladroit à certains instants. L’omniprésence du narrateur peut par ailleurs également apparaître comme un problème tant les apparitions de celui-ci ne sont pas nécessaire étant donné qu’il n’a pas à intervenir à l’image, le but étant une total impartialité son emprise sur le film est clairement de trop.
La plus grande réussite du documentaire réside ainsi dans le fait de ne pas rendre ce jeune homme clairement raciste forcément repoussant, ni même de donner une volonté de le juger, mais au contraire d’essayer de comprendre les travers de notre société qui produisent ce genre de pensés par des individus sortant des clous, des égarés, des types de personne qu’on peut trouver paradoxalement dans des quartiers de banlieue, même genre d’individus que Bastien dénonce comme problématique. Mais là on découvre un personnage dénué d’une éducation correct, si l’on en croit l’enfance du jeune homme ainsi que la très faible nomination de sa famille biologique. Celui-ci est plutôt perdu dans un mal-être personnel profond dont il ne parvient pas à se défaire, et pour qui aucune aide extérieur ne semble être intervenu, si ce n’est l’espoir vain d’un changement nouveau par le biais de l’extrême et dont le culte de la personnalité s’est emparé en lui de toute rationalité. Ainsi le documentaire ne donne pas l’impression de vouloir enfoncer des portes ouvertes en le rendant totalement fou et dénué d’intelligence, mais juste tel qu’il est, en forçant il est vrai légèrement le trait, en montrant un être renfermé sur lui-même dans une quête d’idéal patriotique.