Agé de 37 ans, Mamadou Dia est né et a grandi à Matam, une petite ville au nord du Sénégal, tout près de la Mauritanie. Après des études à l’université de Dakar, il a réussi le concours d’une école de communication et de journaliste. Il a travaillé comme journaliste pendant presque 10 ans, travaillant surtout comme reporter d’images, jusqu’à ce que lui qui, enfant, n’avait pas le droit d’aller au cinéma, se laisse gagner par l’envie de faire du cinéma, au point de postuler et d’être accepté à la Tisch School of the Arts de l’Université de New York. Après plusieurs court-métrages, il a réalisé "Le Père de Nafi", son premier long métrage, un film sélectionné dans un très grand nombre de festivals et qui, en particulier, a été doublement récompensé à Locarno 2019 : meilleur premier film et Léopard d’or de la section « Cinéastes du Présent ». Au bord du fleuve Sénégal, au nord du pays, la vie s’écoule en apparence très calmement dans la petite ville de Yonti. La première personne que nous allons rencontrer s’appelle Tierno : c’est un homme malade, affaibli, mais c’est surtout l’imam de la ville et, à ce titre, il célèbre les mariages. Lorsque, à l’issue d’un de ces mariages, Ousmane annonce l’imminence du mariage entre Tokara, son fils, et Nafi, la fille de Tierno, on commence à se demander si ce calme qu’on a cru percevoir ne va pas se transformer en tempête. En effet, Ousmane est le frère de Tierno, Tokara est donc le cousin de Nafi, et Tierno, trouvant sa fille trop jeune pour être mariée, n’est pas favorable à ce mariage. Par ailleurs, autant Tierno est un imam tolérant, un imam dont la fille n’est même pas voilée et qui pratique un islam qui n’a pas complètement coupé les ponts avec l’animisme, autant Ousmane, par conviction ou par ambition politique, tient à afficher une pratique de l’islam très rigoriste, très extrémiste : il a effectué le pèlerinage de La Mecque et tient à ce que tout le monde le sache, il formule le souhait que sa nièce et future belle-fille se convertisse au port du voile et, désirant devenir le maire de Yonti, il ne va pas hésiter à faire entrer le loup dans la bergerie, en faisant appel au Cheikh Amir, un terroriste intégriste installé en Mauritanie, afin d’obtenir le soutien financier lui permettant d’arroser les électeurs et, accessoirement, payer les frais de la noce familiale. Une fois le loup entré dans la bergerie, est-il possible de le faire sortir ? Depuis plusieurs années, le cinéma africain qui arrive sur nos écrans vient plus souvent du Maghreb que de l’Afrique noire. On apprécie donc particulièrement l’apparition d’un nouveau réalisateur sénégalais dont le premier long métrage, "Le Père de Nafi", est tout à la fois esthétiquement très beau, bien interprété et, surtout, fort intéressant dans le contexte actuel.