2h45 de spectacle passionnant (faites passer le distille). Denis Villeneuve signe encore une fois un bijou d'esthétisme (les plans, les effets spéciaux, le rythme des explosions et combats : tout est propre et soigné), aidé par un casting encore plus mature (Timothée Chalamet, Zendaya et Javier Bardem en forme, et mention à Austin Butler, terrifiant), et : Jacqueline West, on t'aime. Chef costumière du film, au travail incroyable (les robes déstructurées de La Princesse, les monstres à crête dans l’arène, les tenues des Soeurs, les cuirasses et voiles du désert...). Comment oublier aussi ce passage en noir et blanc de l'Anniversaire de Feyd-Rautha, un des meilleurs passages du film (avec d'autres fulgurances comme
la chevauchée du Ver, le combat entre Feyd-Rautha et Paul...
). On continue d'adorer aussi le thème de Hans Zimmer, faisant succéder les chants lancinants aux percussions énervées. En revanche, c'est le seul grain de sable qui nous a fait crisser les dents : la narration, vraiment moins bien que celle du livre. Vous voyez ce passage où
Paul boit l'eau, comate cinq minutes et se réveille dès que Chani arrive ?
On passe à côté d'un excellent passage du livre, qui dure des semaines (avec un peu de montage, on aurait pu l'y mettre). Idem, on perd un énorme point de dualité dans
l'appartenance à la famille Harkonnen de Paul et sa mère : dans le livre, on le sait très tôt, et on se disait, comme ça n'apparaissait pas dans le premier film, que Villeneuve se le gardait sous le coude pour nous faire une scène-révélation dantesque dans le 2, et bien non : on a l'impression qu'il s'est retrouvé avec cette info sur les bras, ne sachant pas trop qu'en faire, et la balance entre la poire et le fromage : "J'ai bu l'eau, en fait je suis Harkonnen, OK next.". Exit donc le récit de l'origine de la mère (le Baron qui est asexué - comme tout bon méchant de la littérature - et qui est surpris quand une de ses esclaves sexuelles enfante, il ordonne donc de faire tuer les deux, mais les Sœurs, toujours sensibles à l'innocence - et le pognon potentiel de sa lignée - d'une fillette vierge, la récupère pour leur Ordre) qui explique sa froideur depuis le début de l’œuvre, son dégoût d'elle-même (elle ne veut pas prolonger une lignée au sang Harkonnen), et de même son fils, lorsqu'il l'apprend (tôt aussi), hésite à se faire Empereur pour les mêmes raisons (il est bien moins sûr de lui et autodidacte que le film ne le montre
). Bref, cette dualité psycho, pourtant essentielle à l’œuvre, Dune 2 ne semble pas avoir cinq minutes sur 2h45 à lui consacrer, ce qu'on a trouvé vraiment dommage. Et la fin qui n'est pas celle du Livre, réduisant considérablement l'importance de Chani, faisant passer Paul pour un autodidacte très confiant et belliqueux, changeant le sort de l'Empereur, n'expliquant pas son mariage avec La Princesse (pour ceux qui veulent éviter de lire :
il se marie avec elle uniquement pour étouffer la lignée - sa seule condition est de ne pas engrosser la Princesse, et de faire introniser les enfants illégitimes qu'il aura avec Chani - et se récupérer le titre de noblesse quand même...
Ici, on ne comprend pas trop son choix). Pour conclure, si la narration fait passer énormément de choses essentielles à la trappe, on ne peut pas bouder le plaisir ressenti devant les scènes d'action stupéfiantes, le respect des valeurs du livre (le combat de la croyance avec le pouvoir, l'écologie, la géopolitique, l'exploitation des peuples...), et la beauté magistrale des effets spéciaux, des jeux d'acteurs très investis, des chorégraphies de combat bien filmées, d'une musique qu'on prend plaisir à réécouter, d'un noir et blanc somptueux, d'un rythme soutenu, et évidemment de très beaux costumes (Jacqueline, we love you). On ne sait pas vraiment la direction narrative qu'adoptera le prochain film (vu que celui-ci commence déjà à tracer sa propre route dans le désert), mais ce n'est pas forcément pour nous déplaire, on risque de cheminer (en sautillant d'un pied sur l'autre) vers une oasis inédite qui nous surprendra. On s'en remet, plein de confiance, à notre Muad'Dib : Denis Villeneuve.