Aïe aïe aïe déception, "Dune deuxième partie" est clairement en deçà des attentes (certes colossales) qu'on en avait. Le mode de narration est en cause : il aurait fallu plusieurs films pour raconter correctement cette histoire que "Dune deuxième partie" essaye de baliser en avance rapide, à grands renforts d'ellipses. C'est trop décousu, trop pas raccord, la narration est confuse et le montage maladroit --- pas de simples faux raccords, mais des violations flagrantes des codes de narration, durant tout le film.
(Un exemple ?
On passe sans transition d'une scène où les Fremen se défient de Paul, à une scène où Paul est déjà devenu des leurs.
Un autre ?
Paul part pour le Sud avec Chani et toute sa bande, scène suivante il arrive seul au temple, un peu plus tard Chani arrive en catastrophe ; quand et pourquoi se sont-ils séparés ?
Encore un ?
Paul et les Fremen capturent l'empereur et sa cour, ils ont donc gagné et selon tous les codes de narration, cette guerre est finie... ah mais scène suivante, on a re-des gens qui se bombardent, qui se castagnent, qui se trucident (de nuit, alors qu'il faisait jour juste avant), qui quoi pourquoi, on ne sait pas, on ne comprend pas, cette scène ne sert visiblement que de baroud d'honneur pour Gurney...
Et cetera, et cetera, et cetera.)
On dirait que le but était de mentionner pêle-mêle un maximum d'éléments du livre (pas lu), plutôt que de faire un film qui se tienne. Foncer pour atteindre la conclusion, à quoi bon ? La fin, on s'en doute bien et, en plus, elle est prophétisée dans la diégèse... Ce qui aurait été intéressant, c'eût été de montrer l'évolution du personnage et de la situation géopolitique : comment Paul passe-t-il de réfugié chez un peuple autochtone opprimé, à triomphateur galactique ? Comment les Fremen parviennent-il à gagner cette guerre contre un ennemi qui semblait si supérieur ? Dans ce film, que dalle. Paul vire du tout au tout en 30 secondes et sans explication. La progression des victoires n'est pas montrée, leur stratégie sûrement brillante n'est même pas évoquée. On voit des gens se tuer, des machines exploser, épice et tout (qui trouve que ce film n'a pas assez d'action ?). La fin bâclée "in medias res" n'est pas loin de se moquer de nous (il est clair que Denis Villeneuve n'envisage pas de ne pas faire un 3e film).
Le résultat net, c'est qu'on ne ressent aucun enjeu. On ne s'attache à rien. Les personnages ne comptent pas. Le film consacre pourtant un temps très important à construire deux nouveaux personnages d'ailleurs très intéressants (la fille de l'empereur et le jeune neveu du baron Harkonnen)... pour qu'en fin de compte ils ne jouent aucun rôle dans l'intrigue ! À côté, l'un des autres nouveaux personnages (celui joué par Léa Seydoux) n'est tellement pas introduit que, jusqu'au générique, je l'ai confondue avec la susmentionnée fille de l'empereur ! De toute façon, en définitive, elle non plus ne sert à rien. Rabban, antagoniste central et inquiétant du premier film, est minimisé, ridiculisé et tout bonnement remplacé. On fait revenir un personnage qui semblait clairement mort (?), mais pas celui qui n'a eu qu'une mort contestable et qu'on voulait tous (?) revoir (Liet Kynes). On fait surgir des révélations familiales dont on ne comprend absolument pas la pertinence et qui passent, à ce stade, pour un gadget scénaristique bas-de-gamme. Le film se permet un comique de répétition qui non seulement nuit à son sérieux, mais en plus achève de couler l'intrigue puisque la superstition tournée en ridicule en est un élément clé...
Quant à l'image : le film s'ouvre dans les mêmes tons joliment orangés que "Dune première partie", mais passe brutalement, mystérieusement, à un jaune pâle bien plus fade. L'image manque d'ampleur, même des machines de la taille d'une cathédrale échouent à impressionner ; le cadrage m'a souvent paru tronqué, j'ai parfois eu du mal à situer les choses dans l'espace. C'est bien différent du premier volet, dont je retenais la majesté à couper le souffle de formes géométriques gigantesques en lévitation, la focalisation émerveillée sur les détails de cet univers de science-fiction (les oreilles du rat-kangourou, le tissu des tentes...). Côté son, rien de mémorable non plus. Le thème musical reconnaissable du volet précédent ne se fait entendre qu'une seule brève fois. Décidément, la filiation est ratée.
Ce n'est pas pour rien que je mentionne sans cesse "Dune première partie" : ce film était splendide, mais sa violence masochiste à détruire tout ce qu'il avait lui-même construit, à tuer tous ses personnages, attendait d'être justifié par sa suite. Je *voulais* revoir Liet Kynes. Bref, "Dune deuxième partie" n'est pas à la hauteur de ses attentes.