Plus classique… tu meurs
Quand on pense que le titre original de cette page d’histoire est Operation Mincemeat, on se demande encore une fois, qu’est-ce qui a bien pu passer par la tête des distributeurs hexagonaux pour pondre un titre français aussi ringard ? Cela posé, ces 127 minutes signées John Madden sont tout juste honorables. 1943. Les Alliés sont résolus à briser la mainmise d’Hitler sur l’Europe occupée et envisagent un débarquement en Sicile. Mais ils se retrouvent face à un défi inextricable car il s’agit de protéger les troupes contre un massacre quasi assuré. Deux brillants officiers du renseignement britannique, Ewen Montagu et Charles Cholmondeley, sont chargés de mettre au point la plus improbable – et ingénieuse – propagande de guerre… qui s’appuie sur l’existence du cadavre d’un agent secret ! Si le bonhomme, incontestablement, sait faire, si la distribution est à la hauteur et si l’argument du scénario ne manque pas d’intérêt, on ne saurait tutoyer les sommets du genre, tant le classicisme forcené plombe tout.
L’opération « chair à pâtée » est visiblement un grand moment de la lutte contre les armées d’Hitler, dont j’avoue avoir ignoré l’existence jusqu’à ces deux bonnes heures de cinéma historique où l’on apprend beaucoup et pendant lesquelles on s’ennuie tout autant. Non seulement le scénario s’ingénie à créer un faux suspense – tout le monde sait bien que le débarquement aura bien lieu en Sicile et sans grande opposition -, mais en plus, les auteurs ont cru bon de créer de toutes pièces une romance insupportable, qui envahit la page d’histoire jusqu’aux limites du supportable. Aussi, l'histoire d'espionnage qui changea le cours de la Seconde Guerre mondiale, est-elle plombée par ce marivaudage aussi niais qu’inutile. L’événement raconté ici a déjà fait l’objet d’un film, L’homme qui, n’a jamais existé de Ronald Neame en 1956… Ce serait intéressant de comparer les deux façons de raconter la grande Histoire de seconde guerre mondiale… - Comme je suis optimiste de nature, et malgré les horreurs qui se passent aujourd’hui en Ukraine, je continue de parler de « seconde » guerre en espérant que c’était bien la dernière -. Amusant aussi de constater que cette manipulation a été échafaudée par un certain Ian Fleming, qui, quelques années plus tard, allait se rendre mondialement célèbre en créant le personnage de James Bond. La reconstitution est sobre mais de qualité. L’histoire invraisemblable tient pourtant debout. Mais que de mièvrerie bien superflue, je le répète, dans les relations entre les personnages. Jamais déshonorant, mais jamais transcendant non plus
Le casting est excellent, dominé par un Colin Firth des grands soirs. A ses côtés, Matthew Macfadyen, Kelly MacDonald, Pénélope Wilton, entre autres, tiennent parfaitement leur partition. Autant suspense, trahisons, retournements, affrontements dans les services secrets sont bien rendus, autant le film aurait gagné en se débarrassant de sa love story… - et comme on est chez Warner Bros, ne vous attendait ni au moindre soupçon d’érotisme ou de sulfureux -. L’ultraclassicisme de la facture compassée du film est donc ici mis au service d’un récit passionnant bien que bavard, statique et totalement sans scènes d’action. Un résultat loin des attentes.