Pieces of a Woman s'ouvre sur un accouchement d'une demi-heure qui ne se passe pas comme prévu, et de notre côté on arrache les accoudoirs de notre fauteuil à chaque contraction, on hurle mentalement des "Vas-y, pousse !" à chaque cri de la pauvre mère qui a décidé de mettre au monde à la maison, sans anti-douleurs et possibilité de péridurale... On termine la demi-heure presque aussi essoufflé qu'elle, et pourtant on tombe dans une apnée soudaine à la seconde où l'on comprend l'horreur qui est en train de se dérouler sous nos yeux, peut-être l'une des pires tragédies qui puissent exister. Titre du film, sur fond noir, sans musique, à trente minutes du démarrage, on se prend en pleine tête tout ce que ce retournement de situation (et de cœur) veut nous dire : la douleur extrême fait partie (une pièce) de la condition féminine, mais il est des douleurs qui dépassent ce qui est endurable et mettent en pièces (au pluriel) la femme qui en est victime. Bien davantage qu'un simple propos sur "ce qui fait une femme", le film Pieces of a Woman se concentre sur la déconstruction totale d'une femme et sur sa difficile "réparation", qui nous rappelle (de très loin) le si joli Demolition (2015). Vanessa Kirby brille dans ce rôle où la mélancolie la plus profonde passe par un simple regard vide, où l'obsession de donner vie se comprend en quelques gestes sur des pépins de pommes, où l'ironie apparente (et ses mots acerbes) ne trompe pas sur le malêtre qu'elle cache. Cette femme qui lutte pour tourner la page, on la comprend viscéralement, même si l'on n'est pas de sa croyance, ou même genre sexuel, car le film s'attache à créer un personnage qui soit lisible par n'importe quel spectateur. L'on se surprend même à se dire que, s'il y avait bien une personne qui était légitime pour en vouloir à la sage-femme (qui a fait ce qu'elle a pu), c'était elle, mais Pieces of a Woman, encore, nous prend à revers car elle est la seule à être sensée et à ne pas vouloir d'un procès, contre l'avis universel (mari, famille, amis, médias, opinion publique...). Tout le monde cherche un coupable idéal comme s'il s'agissait de son propre enfant, comme s'il s'agissait là d'un tabou sociétal, une haine à défaut de pouvoir encaisser. Et l'on s'attendait à trouver dans ce rôle la pauvre mère, mais le final
nous met la larme à l’œil et donne de l'espoir avec une happy-end très belle
. Si la tragédie l'a mise en pièces, cette femme se baisse pour les ramasser une à une et se reconstruire avec une volonté époustouflante.