Bouli Lanners, acteur et réalisateur est intégré au paysage des cinémas belge et français depuis une vingtaine d’années. Il compte désormais près d’une soixantaine de films à son actif dont cinq comme réalisateur. Sa bonhomie et la grande humanité qui se dégage de sa personne et par ricochet de son jeu d’acteur en font un second rôle de premier choix, très prisé pour la large palette de rôles qu’il est capable d’endosser. Des rôles souvent secondaires et même parfois très courts auxquels il insuffle selon les besoins toute la démesure qui l’habite ou la retenue dont il sait aussi être le porteur. En somme, un acteur complet qui ne déçoit jamais un peu à la manière des grands seconds rôles du cinéma français des années 1930 à 1970 qu’étaient, Julien Carette, Saturnin Fabre, Ferdinand Charpin, Robert Le Vigan ou Jean Carmet. Mais celui qui a été peintre dans sa jeunesse, s’est rapidement consacré à la réalisation pour permettre aux qualités citées plus haut de suivre leur libre cours. « L’ombre d’un mensonge », son cinquième long métrage, situé sur l’île de Lewis (archipel des Hébrides) au large de l’Ecosse est une magnifique histoire d’amour, narrée et filmée avec une infinie délicatesse, qui emmène le spectateur bien loin de toute l’artillerie « woke » qui corsète les intrigues et désincarne des personnages réduits à la caricature. Un belge d’une cinquantaine d’années travaille comme commis dans une ferme située sur l’île de Lewis où la tradition presbytérienne encore bien présente ajoutée à l’insularité et la rudesse du climat n’aident pas à l’intégration des nouveaux venus. Les rapports glaciaux de Phil (Bouli Lanners) avec le vieux fermier (Julian Glover) sont l’expression de la mise à distance de ceux qui n’appartiennent pas à une communauté essentiellement soudée autour de l’église, du travail et du pub local. Un jour, Phil
est victime d’un accident cérébral dont il se remet miraculeusement sans autre séquelle qu’une perte de mémoire quasi-totale qui nécessite de lui adjoindre un référent en la personne de Millie (Michelle Fairley), la fille du patron de Phil. Austère et introvertie mais aussi en quête de sortir de sa condition, Millie profite de l’amnésie de Phil pour lui annoncer qu’ils étaient amants et que leur relation était tenue secrète
. A partir de ce canevas de départ, Bouli Lanners qui écrit lui-même les scénarios de ses films, tisse patiemment et tout en finesse une histoire d’amour «à l’ombre d’un mensonge ». Les deux solitudes vont s’unir pour braver toutes les conventions, le temps qui passe, le flou du passé comme l’incertitude du futur mais aussi les douloureuses révélations à venir. Ancrant sa romance de l’âge mûr au sein de décors rudes et magnifiques, Bouli Lanners, épaulé par l’excellente, très émouvante et très belle Michelle Fairley, transporte le spectateur dans ce qui fait le mystère insondable et le charme indicible des rapports entre les êtres qui parfois n’ont pas besoin des mots pour se comprendre, se contentant avec délectation d’être l’un avec l’autre. « L’ombre d’un mensonge » nous rappelle que les plus belles histoires sont souvent les plus simples même si elles prennent parfois racine dans un quiproquo, une méprise ou pourquoi pas un mensonge. Merci Monsieur Lanners pour cette bouffée d’air frais venue d’Ecosse où vous avez dû passer de très bons moments à tourner ce film. Surtout ne changez rien.