Malgré de nombreuses adaptations au cinéma [4 : française (1910), américaine (1921), italienne (1946) et mexicaine (1953)] et à la télévision (3, en 1956, 1968 et 1994), celle de Marc Dugain est réussie, même si le film est une adaptation libre du roman ; il a su en traduire l’esprit et bien décrire la bourgeoisie provinciale (notaire, banquier et juge), le contexte historique (
Félix Grandet, tonnelier, ancien maire de Saumur, a acheté à bas prix les biens des émigrés royalistes sous la Révolution pour les revendre sous la Restauration
), l’avarice, qualifiée par la mère d’Eugénie (Valérie BONNETON) du vice le moins cher (
même le pain est sous clé et seuls 3 dîners ont été organisés en 25 ans chez les Grandet
) sous les traits du père d’Eugénie (excellent Olivier GOURMET) et Eugénie Grandet (Joséphine JAPY), fille unique et qui est, comme l’indique le titre, le vrai sujet.
D’une jeune femme naïve (« Est-ce pécher que d’espérer un grand amour ? » demande-t-elle au prêtre qui la confesse), soumise à son père [qui ne veut pas lui payer une dot et qui se sent trahi à la découverte du don des louis d’or qu’il lui offrait à chaque anniversaire (« celle qui ne respecte pas l’argent ne peut inspirer le bonheur »)] et bienveillante (à l’égard de son cousin Charles devenu orphelin de père), elle devient, 5 ans après la mort de ses parents, une femme libre (elle s’éloigne de « Dieu qui asservit les femmes » et résiste à la pression sociale) et altruiste (par des dons à des œuvres caritatives) grâce à l’argent gagné par son père (17 millions de francs !)
. D’un roman de 265 pages, le réalisateur a fait un film concis, sans temps mort, à la superbe photographie des intérieurs et des personnages, notamment de Joséphine Japy, belle comme une madone [due à Gilles PORTE qui avait déjà travaillé sur le précédent film de Marc Dugain, « L’échange des princesses » (2017)], tout en introduisant une certaine modernité du personnage d’Eugénie Grandet (cf. la fin différente) mais sans être anachronique.