On est immédiatement plongé dans l'environnement rural de l'époque : longère lugubre, abbaye, champ agricole, vie monastique, micro-vie sociale entre habitants se connaissant par coeur, les ouï-dire sur le mariage d'Eugénie Grandet... C'est retranscrit parfaitement.
Surtout, le côté radin-avare obsessif du père Grandet ressort très nettement aussi.
Le film peut paraitre lent à certains mais c'est le but du livre à l'origine, en réalité cela dépend des scènes, il faut être patient. On doit bien percevoir le quotidien ennuyeux de cette jeune fille pieuse dans sa famille austère et dont l'avenir est peu enthousiasmant.
C'est ce quotidien morne qui fait qu'elle s'éprend amoureusement et niaisement de son cousin Charles.
L'auteur s'est permis une touche de modernité dans cette adaptation, pourquoi pas, car le télé-film de 1993 déjà réalisé était déjà tellement parfait qu'une seconde adaptation aurait apporté peu de choses au cinéma français.
C'est audacieux et totalement contradictoire à ce que voulait dire Balzac : Eugénie Grandet fait la morale à son père, veut le faire culpabiliser en vain, en appuyant sur son côté avare, et se permet même un discours quasi-féministe. Dans le livre, elle ne fait pas la morale à son père, au plus elle a un comportement légèrement rebelle mais jamais direct. Elle a également un comportement qui la distingue un peu des femmes de son époque par son envie d'indépendance, une envie sans doute développée par le dégout de son propre père, mais cela ne va pas au féminisme non plus. Par exemple, dans le livre elle finit par accepter le mariage avec le fils du magistrat local qu'elle n'aime pas mais elle pose ses conditions. Dans le film, elle refuse tout bonnement.
Toujours dans le film, Eugénie devient anticlérical... Quelle est l'utilité de ce parti pris qui alors là est 100% contraire au livre, surtout qu'elle explique en une phrase sa position en disant que la religion a été inventée par l'homme pour.... et qu'elle aime la nature pas une religion... (c'est pas ça au mot près mais pas loin) Quand on sort un boulet de canon comme ça dans le film, il faut bien l'expliquer, pas en une phrase qui semble être un caprice incompréhensible d'Eugénie dans le film.
Bon cela s'oublie assez vite car heureusement les pointes modernes du film sont très courtes, le reste est fidèle.
J'aurais apprécié toutefois que l'on insère quelques scènes de comique de situation du livre, non reprises ici. La scène du petit-déjeunez luxueux à Charles, luxe qui déplait fortement au père, et la scène ou le père meurt en regardant des pièces d'or, en restant bien avare jusqu'à son lit de mort, c'est plutôt drôle aussi.