Ai-je rêvé ? Ai-je vraiment été voir hier soir ce qui est partout présenté comme un tout petit film plafonnant à 2,9/5 ou 5,8/10 ? Car je confesse qu'à mes yeux, ça vaut bien davantage... La bande-annonce intriguait déjà par cette singulière idée d'une toute jeune femme qui comptabilise mécaniquement les rapports sexuels qu'elle a eus avec un amour de vacances. La puérilité et la froide distance de ce listing contrastaient curieusement avec ce qui était décompté... Après le stade de la bande-annonce, vient le temps de voir le film. Et là, on découvre un scénario et une mise en scène très inventifs. Le premier dépeint quelques jours de la vie d'une adolescente de 17 ans qui, emportée par une passion irrationnelle, monte à Paris retrouver un amour d'été qui ne veut plus d'elle, avant de s'abriter temporairement dans un couvent. Par petite touche, on saisit tout le manque d'amour dont souffre la jeune femme, délaissée par une mère qui a refait sa vie, et harcelée sexuellement par le nouveau compagnon de celle-ci. Son immaturité, bien compréhensible à son âge, la pousse corps et âme dans les bras d'un garçon qui a tout du dragueur invétéré. La montée à Paris prend alors l'apparence d'un conte avec ses bons et méchants personnages, avec l'irrationnalité d'une bouteille pleine de sable révélée comme un trésor, ou une mystérieuse danse s'apparentant à une rite de passage (mais vers quoi ?).
Mais la trouvaille la plus magistrale de ce scénario consiste à nous révéler in extremis, en une magnifique tirade d'une des sœurs du couvent, qu'en fait, ce n'est pas la jeune Esther le nœud de toute cette histoire, mais la sœur elle-même.
Je n'ai pas le souvenir d'un dispositif scénaristique aussi sophistiqué depuis bien longtemps. La mise en scène est tout aussi réussie que le scénario. Particulièrement la lumière, et les choix musicaux. C'est plein d'excellentes idées. Le seul vrai souci réside dans l'attitude de la jeune femme lors de sa découverte du couvent. Son immaturité était un intéressant moteur de l'histoire au dehors, mais parmi les sœurs, elle devient parfois excessive voire irrespectueuse. C'est par une subtile tension sexuelle, à peine esquissée, qu'aurait fonctionné à plein la révélation finale. Pas par des gamineries. Mais l'ensemble est par ailleurs tellement réussi qu'on peut fermer les yeux sur cet écueil (c'est un premier film). Bref, voilà déjà un bon opus, mais on devine que la cinéaste saura déployer davantage encore son talent dans les suivants.