Alors que le monde attend , les yeux levés vers le ciel les fastes et les promesses d’ un Man of Steel , aussi espéré que fantasmé dans ce renouveau du super héros , le cinéma du début des années 2000 nous avait déjà donné une idée de renouveau , d’un mythe si souvent exploité . Celui du super héros. Plutôt que de renouveau, il s’agit surtout de renaissance ou de naissance . Voilà dont il est question, en partie, dans Incassable , sorti à peine un an dans la foulée de Sixième sens , déjà autre formidable film de Shyamalan ou les personnages se révélaient à eux mêmes , retrouvant leur place dans le monde et « leur » monde.
Tout , dans la mise en scène de Shyamalan , sert l’imagerie et le discours de l’histoire , sur cette idée des formes , des oppositions , des contrastes , des parallèles , de cette géométrie intrinsèque qui définissent les cadres , et les « cadres »du comics et ceux du héros et de son rival .
Et c’est là que réside le grand art du film, car tout est dans la mise en scène , du moins pour une grosse moitié en ce qui concerne ce film , sur la pertinence de ce qui est montré , de ce que nous devons comprendre .
Tout au long du film , le réalisateur va jouer avec les cadres et cette idée de sur- cadrage avec ces embrasures de portes ou se présente le héros , ces lignes rectangulaires et géométriques qui entourent les personnages . Tout nous renvoie à l’idée de l’image , du découpage , qui composent à l’architecture du Comics . C’est un peu une mise en abyme qui se présente à nous . C’est aussi un jeux de miroir que propose le réalisateur , avec cette idée du reflet dans la vitre , celle de David Dunn qui colle sa tête contre la fenêtre du train , ou celle ou l’on assiste à la naissance d’Elijah Price en guise d’introduction du film . La caméra filme cette scène de la naissance ou nous voyons les personnages , mais il suffit que la caméra panote et recule pour s’apercevoir que nous regardions la scène à travers la glace de la pièce . Tout est une question de reflet , d’image double , d’image que l’on se renvoie à soi même . Mais cela montre aussi que l’on a été dupé , trompé . La révélation finale du film nous mènera à cette conclusion .
Mais au delà de la virtuosité de la mise en scène , qui au passage , demeure la plus aboutie et la plus accomplie de toute la filmographie de Shyamalan , il faut souligner la prestation de Bruce Willis qui trouve un rôle en or . Il y livre sans doute une de ses meilleures composition . Il est d’une sobriété et d’une justesse exemplaire dans le rôle de David Dunn, ce héros fragile et pourtant incassable qui tente de trouver un sens à sa vie . Que dire aussi de Samuel L. Jackson dans un rôle ambigu qui apporte une intensité et étrangeté impeccable.
C’est un film , sur la révélation d’un héros qui se découvre à lui même , d’un homme qui retrouve sa place dans sa vie et dans sa famille .
La révélation finale du film , à la fois "choquante" et bouleversante nous dévoile le vrai caractère d'Elijah Price , sa raison d'être dans ce monde donnant du même coup un sens à la vie de de David Dunn . Tout doit être alors dans l'opposition , le bien et le mal , la force et la fragilité ; mais surtout , les choses reprennent leur vraies places . Les personnages se révèlent à eux mêmes , se découvrent par l'intermédiaire de leur strict opposé !
Enfin , la mise en scène n’aurai pas atteint cette force sans la formidable musique de James Newton Howard qui magnifie littéralement les images et contribue à la force émotionnelle du film.
Une scène éloquente souligne l’intelligence de la mise en scène et cela appuyé par la musique . Lorsque enfin , David Dunn décide d’assumer son rôle de héros , et qu’il rentre en confrontation avec le tueur , le cinéaste ne vas pas adopter le sur découpage , chèrs aux films d’actions mais filmer la scène en plan séquence . La musique quant à elle , ne se fait pas tonitruante , menaçante ou vrombissante . Elle est tout au contraire élégiaque , radieuse , poétique. Car ce qui importe ici , ce n’est pas la scène d’action en elle même , mais c’est cette idée de révélation , d’accomplissement dans l’acte , de résolution . Le thème musical prend alors une forme radieuse et d’évidence . L’intelligence et la subtilité à l’état pure !
Une œuvre , à l’époque , sous estimée par bon nombre et qui s’avère aujourd’hui visionnaire et virtuose à tout point de vue ! Du grand art !