J'en gardais un assez bon souvenir, voulant avant tout le revoir pour me projeter au mieux dans « Glass », que je voyais le lendemain. À raison. On a beaucoup voulu le comparer au « Sixième Sens », le faisant régulièrement apparaître comme une déception. C'est à mon sens une erreur. Hormis la présence de Bruce Willis et le style très personnel de son réalisateur, il faut vraiment les prendre comme deux œuvres totalement indépendantes, et c'est alors que l'on pourra apprécier « Incassable » pour ce qu'il est vraiment : une réussite étonnante. Alors c'est vrai qu'à une époque où nous sommes submergés par des films de super-héros ultra-spectaculaires et bardés d'affrontements dantesques, « Incassable » peut paraître fort modeste. Mais finalement, c'est comme si Shyamalan avait anticipé ce qu'allait devenir les productions Marvel et DC dans les années à venir : des objets efficaces mais interchangeables, se ressemblant tous et donc peu marquants. Sa vision est aux antipodes : presque aucun combat, une opposition surtout psychologique, une « errance » d'un héros déboussolé par les révélations qu'on vient de lui faire (on le serait à moins)... On peut même trouver que le cinéaste n'en fait pas assez, se reposant trop sur cette dimension quasi « intimiste ». Et pourtant, alors qu'au vu de ces mots le risque de s'ennuyer pouvait être grand, il n'en est rien, le sens inouï de la réalisation, la beauté de la photographie, l'habileté du scénario (ne cherchant jamais à en faire trop) nous plongeant de bout en bout dans cet univers si singulier, infiniment plus profond et immersif que tout ce que l'on peut voir désormais dans un registre sans la moindre audace (ou presque). Dommage que dans la dernière ligne droite, l'écriture cède un peu à la facilité via ce personnage d'
« assassin-kidnappeur »
tombant vraiment à pic et trouvé pour le moins facilement par notre héros (disons que le hasard fait parfois très bien les choses!),
le combat apparaissant également plutôt décevant (toute la partie dans la maison est en revanche d'une tension, d'une précision admirables)
. Sans oublier, cela va de soi, la présence de Samuel L. Jackson, véritable moteur de ce récit éminemment original et ambiguë jusqu'à la révélation finale, à mon sens réussie mais trop vite expédiée. En tout cas, avoir une vision globale avant d'aborder le dernier volet de la trilogie s'avère un solide atout, et surtout une belle occasion de redécouvrir cette œuvre « super-héroïque » vraiment pas comme les autres, définitivement à réhabiliter.