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Olivier Barlet
299 abonnés
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3,5
Publiée le 16 novembre 2021
(...) Pour tous, l’exil s’est révélé être un piège dont il est difficile de se défaire. Il manque cependant l’exploration réelle des conditions qui les ont fait partir, si bien qu’ils ressortent comme taxés d’aveuglement, comme s’ils n’avaient agi que mus par une grande naïveté. A cela s’ajoute une forme documentaire volontariste au discours préétabli. On ne saurait cependant que lui donner raison : « Le combat pour l’Afrique, c’est en Afrique qu’il faut le mener », commente Mary-Noël Niba. Et vu que beaucoup ont pu profiter de formations qui seraient utiles sur place : « il faut un mouvement qui incite au retour, mais ce mouvement ne doit venir que de nous-mêmes » – ce qui pose la question des structures et activités d’accueil et de réinsertion. (lire l'intégralité de la critique sur le site d'Africultures)
Après plusieurs années d’exil en Europe, Stéphane, Léo, Cheikh et Boye Gaye sortent de leur silence. De désillusions en désillusions, ils ont fini par revenir dans leur pays d’origine. Leur retour est perçu par leurs proches comme un échec. Guy Roméo, un Camerounais arrivé en France en 2007 à l’âge de 21 ans, est le seul à être resté. Il s’accroche à Marseille où il espère réaliser son rêve : devenir un artiste célèbre, comme son idole, le rappeur Mac Tyer.
C’est une réalisation de la Camerounaise Mary-Noël Niba.
J’ai trouvé que c’était un bon documentaire avec une vision réaliste dans un débat souvent tronqué par les médias et leur volonté de titre tapageur.
Ce documentaire va donc se pencher sur l’immigration Africaine en France, plus particulièrement subsaharienne. Chaque année, il y aurait 700 000 à 800 000 qui émigrent vers l’Europe pour des raisons aussi bien économique, que climatique ou encore à cause des conflits armés. Cette immigration est souvent pointée du doigt par certaines politiques afin de détourner le regard d’une population en colère. On parle souvent des migrants, mais il n’est pas rare d’avoir en réalité un public ne connaissant pas le fond et n’ayant même jamais entendu ce qu’ils avaient à dire. Partir ? va mettre en avant cela. La parole va être donnée à ceux qui la vivent et l’ont vécu.
J’ai beaucoup aimé le témoignage de ces 4 hommes et de cette femme qui ont vécu l’immigration. Nous avons un panel assez varié. On va avoir Guy-Roméo, un jeune Camerounais venu en France à l'âge de 17 ans, et rêvant de succès. La réalisatrice a aussi été chercher des gens en Afrique afin qu’ils puissent s’exprimer sur leur passer en Europe. Cela va aller du Sénégal au Cameroun. Il y a un même un côté très personnel avec Stéphane, son frère adoptif. Le fait d’avoir pris différentes tranches d’âge permet aussi de nous rendre compte de la constance de ce que représente l’immigration pour eux. La France étant vue come un El Dorado.
Avec eux, on va donc pouvoir apprendre les conséquences d’avoir été en Europe sur leur vie actuelle. Ce qui est intéressant, est qu’ils n’ont pas le même bilan. Stéphane par exemple avait vendu son entreprise pour aller en Europe, et a dû revenir contre son grès au bout de 8 an en ayant tout perdu. On sent la frustration. A l’inverse, Cheikh est parti volontairement pour retrouver sa famille au Sénégal. Même si les conditions de départ diffèrent, on sent que les deux ont un constat négatif sur leur expérience. Cela a été une perte de temps car ce qui leur était vendu en Afrique était loin d’être la réalité une fois sur place. C’est un peu pareil pour Boye-Gaye qui raconte la façon dont elle était exploitée en Espagne. Léo quant à lui va nous apprendre que c’est honteux pour un Africain parti en Europe de revenir sans argent. Cela force certains à rester même s’ils ne sont pas heureux. Une chose est sûre et certaines, les premières victimes de l’immigration sont les migrants eux-mêmes.
J’ai aussi beaucoup apprécié les intervenants sélectionnés. Ils vont permettre de prendre du recul sur la situation en établissant les causes et les conséquences de l’immigration pour l’Afrique. Calixthe Beyala va nous montrer que c’est une perte pour l’Afrique et que cela empêche le développement du continent. Un constat similaire est dressé par Aly Tandian, Maître de Conférences en Sociologie. La participation de Mac Tyer est aussi très enrichissante. Elle donne le point de vue d’un homme ayant fréquenté des immigrés étant resté en France par défaut, sans jamais trouver leur place, mais étant trop fier pour rentrer au pays.
La réalisatrice Mary-Noël Niba dresse le portrait de ces africains en quête de « l’eldorado », en quittant leur pays d’origine pour l’Europe, sans papier mais avec des rêves pleins la tête, ils espéraient y trouver une nouvelle vie en quittant la misère ou l’absence de perspective et/ou d’avenir. Sauf qu’ils n’auront eu de cesse d’enchaîner les désillusions. Un voyage périlleux, moyennant finance et par conséquence, toutes leurs économies, pour au final, pas grand-chose. N’ayant pas pu obtenir de travail faute de papier, ils étaient bien souvent dans une misère bien plus précaire que ce qu’ils connaissaient dans leur propre pays. Stéphane, Léo, Cheikh ou encore Boye Gaye se racontent face caméra et livrent leurs impressions et leurs rêves perdus.
Du Cameroun en passant par le Sénégal, la réalisatrice dresse des portraits touchants d’hommes et de femmes qui ont choisi l’exil pour donner du sens à leur vie, espérant y trouver une vie meilleure. Mais le retour aux bercails est bien souvent perçu comme un signe d’échec de la part de leurs proches et de leurs compatriotes, si bien que certains hésitent à rentrer, quitte à perdurer dans la misère ou s’accrochant inlassablement à leurs rêves, comme c’est le cas de Roméo, resté à Marseille pour tenter de percer dans le milieu de la musique.
On se rend compte qu’ils ont tous vécus plus ou moins la même chose et ont tous fait le même voyage, parcourt toujours les mêmes pays à la recherche de leur eldorado (Italie, France, Espagne, Belgique, Allemagne ou encore Pays-Bas). La réalisatrice leur donne la parole et certains témoignages sont édifiants. Elle insert aussi quelques images tirées du film La Pirogue (2012) de Moussa Touré, comme pour mieux renforcer leurs propos.
Partir ? (2021) a le mérite de donner la parole à ces migrants et les questionne sur leur condition d’accueil en Europe ou leur dur retour à la réalité lorsqu’ils sont parfois contraint de revenir chez eux, au sein de leur famille, devant faire face à la honte de l’échec.