GWTW, pour les intimes. Un film qui n'a pas de scénaristes, ou de réalisateur, tant de noms différents s'étant succédés... On en finit par attribuer le film à son producteur, et le générique qui laisse appararaitre le nom du réalisateur au milieu de nulle part, ni au début, ni à la fin nous y incite.Ce film c'est le grand spectacle à la sauce du Hollywood de l'âge d'or. Selznick a dépensé sans compter et a réuni tous les moyens pour faire un film qui soit considéré comme le plus grand spectacle de l'histoire du cinéma. C'est la plus grande qualité du film: son ambition. Avec son ouverture, son "intermission", son "exit music", ses décors, sa lumière, le film n'hésite pas à affirmer son ambition. Au risque de paraitre prétentieux? Non, car le film est à la hauteur de son ambition, et scène après scène le miracle se produit...
De toutes ces mains différentes qui se sont relayées pour écrire et réécrire le scénario reste une histoire cohérente dons les seules longueurs sont au début de la deuxième partie, où le rythme se ralentit un peu. Il faut dire que la première partie filait à toute allure enchaînant les scènes marquantes, et que les 45 dernières minutes de la deuxième partie filent à tout allure vers le final. Et s'il y a des dialogues qui pouvaient sonner mal, il n'en est plus rien dès qu'ils sont dit par V.Leigh.
A la réalisation, le miracle se produit aussi. Même complètement impersonnel, la réalisation multiplie les travellings impressionnants (l'apparition du drapeau du Sud à la gare, le travelling arrière face au coucher de soleil, Scarlett qui traverse Atlanta, Scarlett qui sort de l'hôpital et qui est ébloui par la lumière, Scarlett qui découvre qu'elle aime Rhett et qui ne sait plus où elle est, et la caméra qui va à droite, à gauche pour mimer son égarement...) les cadrages magnifiques (le bal, l'arrivée des listes de victimes, Atlanta en feu, le gros plan sur la haie que sautent les chevaux, l'apparition de Tara à la fin de la première partie...) avec une lumière magnifique (coucher de soleil, ville en feu, escalier rouge, sol rouge de Tara, robes...).
On suit l'histoire de Scarlett O'Hara, jeune fille de la noblesse sudiste et un des pus beaux personnages de l'histoire du cinéma. C'est une femme qui va affronter la guerre, et survivre grâce à sa détermination. La moitié du film se déroule après la fin de la guerre, tandis que les vingt premières minutes se déroulent avant le début de la guerre. Ainsi, la guerre n'est qu'un passage du film. Le cœur du film, c'est les conséquences de la guerre sur les familles riches du Sud. On montre les propriétaires sudistes avant la guerre, on voit comment la guerre les affecte puis on voit ce qu'ils sont devenus. Scarlett est une femme forte, qui met tout le monde à ses pieds, à commencer par les hommes qu'elle domine en amour et en affaire. Les féministes hollywoodiennes pourraient peut-être remarquer que le film dont les recettes sont les plus importantes dans l'histoire du cinéma, si on tient compte de l'inflation raconte l'histoire d'une femme qui prend son destin en main. C'est aussi peut-être le plus beau rôle de l'histoire du cinéma. La force et la présence que dégagent le personnage sont impressionnants. Leigh occupe l'espace, et impose son rythme au film. Elle donne le ton de chacune de ses scènes, joue des différentes facettes de son personnages. Et construit lentement son personnage pour lui donner la cohérence et le réalisme que les diverses réécritures risquaient de lui enlever.
Le personnage est parfois perçu par certains spectateurs de façon exagérément négative. Certes le personnage a ses côtés sombres mais c'est avant tout une femme forte qui doit lutter dans un monde masculin. Un monde où l'histoire est écrite par les hommes, et malgré elle. Elle va à l'envers de l'histoire, peu intéressée ou inquiète par la guerre qui arrive, puis qui essaye de prospérer grâce aux conséquences de la guerre, pactisant avec les Yankees, peu intéressée par le destin du Sud... C'est un personnage égoïste, d'abord parce que c'est une enfant gâtée, puis parce que c'est le seul moyen pour elle de résister. C'est une femme qui fait ce qu'elle doit faire pour rester maître de son destin, un destin dont elle ne cesse pourtant de perdre le contrôle. Au fur et à mesure, elle enchaine les décisions égoïstes, et se sépare des autres s'enfermant dans l'image d sa réussite. Ainsi, quand elle prend l'amant de sa sœur, elle s’intéresse peu à la fraternité et lui préfère Tara, des décisions qui ne peuvent que la mener à la solitude. Elle est méprisée de tous sauf trois. Ashley, qui l'admire d'être capable de tout ce dont il est incapable, qui pacifiste rêveur voit en elle tout ce qu'il n'est pas, avec envie. Mélanie, qui se refuse à juger les autres, qui admire Scarlett, et refuse de voir ce qu'elle est devenue préférant toujours voir le meilleur chez les autres. Et Rhett, qui voit en elle son double. Une femme qui méprise les conventions de la sociétés, qui ne veut pas correspondre à ce que la société attend d'elle mais préfère la liberté.
Le personnage de Rhett est également assez sombre, il ne faut pas se laisser tromper par la classe de Gable, le personnage méprise la plupart de ses concitoyens, et méprise d'abord leur préjugé. Il admire ceux qui voit comme derrière les apparences. Mélanie qui n'a pas de préjugé, connait la vanité du jeu social, et sait voir le bon chez ses interlocuteurs presque malgré eux. Scarlett qui ne s'intéresse pas à ce que les gens pensent d'elle, ou du moins dont ce n'est pas la première inquiétude.
Des héros sudistes et sombres, mais auquel on s'attache en raison du jeu d'acteur et par pitié tant ils font face à des malheurs difficiles à affronter.
Il est étonnant de voir des gens dire que le film fait l'apologie du racisme alors que le film jette un regard sans concession sur ses héros sudistes. Le film montre le vieux sud mais aussi sa déchéance, et le film a permis à McDaniel d'être la première actrice noire à remporter un oscar. Il a donc aidé les acteurs noirs à Hollywood. Certes il y a deux scènes gênantes, Prissy à la fin de la première partie et la scène où un sudiste demande à un nordiste d'accepter son ami blessé sur sa charette. Mais rien qui puisse réellement être subversif ou dangereux pour le spectateur, qui rappelons le a le droit d'être intelligent. Et si le film a quelques scènes gênantes, il ne porte en aucun cas un message raciste, pour cela, il faudrait encore qu'il porte un message, qu'il juge ses personnages, ce qu'il ne fait pas. Il raconte une histoire avec des personnages qui ont des qualités et des défauts.
Le film est avant tout une histoire d'amour bouleversante.
Le film propose une des dernières demi-heure les plus bouleversantes, à mesure qu'on voit les hasards, les quiproquos et les apparences séparer Scarlett et Rhett. Et puis il y a la scène de la mort de Mélanie. Il faut voir Mélanie et Mammy grimper lentement le long escalier en un travelling latéral, il faut voir les eux actrices et la douleur des personnages. Les mots de Rhett et Scarlett sont encore plus violents quand ils sont récités par d'autre. La scène finale est une apothéose, le sommet de la catharsis, le moment où la chute devient irréversible, c'en est fini, les personnages sont condamnés à des existences solitaires, incomprises et douloureuses. Tout leurs efforts auront été vains. A la fin ne reste que Tara. Le Sud est détruit, la guerre est passée et comme l'avait annoncé Ashley, à la fin on ne sait même plus comment cela avait commencé. La catharsis est achevée avec une dernière demi-heure sans lumière, où tout va de pire en pire, où la beauté ne ressurgit qu'un instant quand Scarlett et Ashley se rappellent leur jeunesse avant la guerre. Le film est d'abord pacifiste, il montre les conséquences terribles de la guerre, c'est pour cela qu'il est obligé de prendre le point de vue du Sud, mais à l'exception d'une phrase dans le texte déroulant au début du film, il se contente de prendre le point de vue du Sud sans le légitimer. Le but est juste de permettre à la catharsis de fonctionner. Le film fonctionne (et qu'est ce qu'il fonctionne bien) à un niveau émotionnel. Pas un niveau cérébral.
L'émotion, les couleurs, le cinéma spectacle... Hollywood!