« Gone with the Wind » est le film de tous les records. Le plus grand nombre d’entrée, la plus grosse recette, le film le plus vu avec « Wizard of Oz » grâce à des ventes vidéo significatives. Considéré comme un des plus grands films de l’histoire du cinéma, il bénéficie donc d’une surestimation évidente. Cocktail souffrant d’un mélange peu homogène. D’un côté les délires baroques et spectaculaires : l’incendie de la gare d’Atlanta, les ciels rouges, les escaliers monumentaux, les soldats mourants par milliers à même le sol (première grande grue de l’histoire du cinéma) qui sont la marque de David O’Selznick (le sommet sera atteint par « Duel au soleil » réalisé en 1946 par King Vidor) et son designer et réalisateur deuxième équipe, William Cameron Menzies. De l’autre un film d’amour tantôt délicat (Cukor), tantôt brutal (Fleming), parfois déchirant avec des ruptures de ton qui font perdre le rythme, générant ci et là quelques bâillements. Malgré la grandeur du sujet cinématographique, le film peine ainsi à assumer ses envolées. Fidèle au roman, la première partie, avec quelques raccourcis, fonctionne bien, marqué par la pâte fluide de Ben Hecht. La suite est caractéristique des réserves décrites plus haut. Margaret Mitchell, vraie sudiste dont les deux grands pères officiers dans l’armée confédérée furent blessés pendant la guerre de sécession, hait les yankees. Le film aborde trop peu les véritables raisons de la guerre : s’approprier l’économie des états du Sud (ah, Wall Street déjà !), en prétextant l’abolition de l’esclavage (un siècle et demi plus tard ce n’est toujours pas gagné pour les afro américains). Il a néanmoins le mérite d’être le premier film parlant qui prend résolument le parti du sud en montrant une image peu flatteuse des nordistes. Il décrit aussi avec beaucoup de justesse les va-t’en guerre excités qui n’écoutent pas la voix de la sagesse (Ashley) ou de la logique (Rhett). Sur le fond les ligues aussi puritaines qu’hypocrites (ça va généralement de pair) reprochèrent un côté raciste et rétrograde au récit. L’esclavage aboli, la grande majorité des afro américains connurent un autre type d’esclavage : celui du travail, avec ses ghettos, ses salaires de misères, ses cadences infernales, les famines, le repos inexistant et son cortège de morts par épuisement. Puis le chômage et le désespoir. De plus jusqu’à la seconde guerre mondiale, par la chasse aux « niggerss », ceux qui furent soit écorchés, soit brulés vifs, se comptaient par dizaines chaque weekend dans les états du sud est des Etats Unis (faits qui brillent par leur absence au sein du cinéma américain jusqu’à la fin des années soixante). C’est dans ce contexte que Margaret Mitchell écrivit son roman, plus qu’ambigüe vis à vis du Ku Klux Klan. Gommant cet aspect, le film retranscrit plutôt bien les maîtres bienveillants, Mamy faisant presque partie de la famille, a tel point que certaines ligues (majoritairement New Yorkaises) reprochèrent à Hattie McDaniel son rôle. Elle répondit qu’elle préférait gagner 700 $ (28 000 $ actuels) par semaine en jouant une servante, que d’en gagner 7 en en étant une). Le nouvel ordre yankee est suggéré lors de la scène des travailleurs bagnards dont le traitement horrifie Scarlett. Une fois ces remarques sur le fond évacuées reste l’interprétation (oscarisée) parfois outrancière de Vivien Leigh (la performance la plus longue connue à ce jour) au sein d’un casting féminin de qualité, avec une Olivia de Havilland très sobre, une Hattie McDaniel qui apporte un peu de profondeur à un rôle caricatural et des deuxième rôles qui font le job. Côté mâle, face à l’excellent Clark Gable (comme toujours), un Leslie Howard qui apporte beaucoup de finesse au seul personnage subtil du film. Avec 222 minutes (plus ouvertures, intermèdes et final), ce très très long métrage, parfois très très long, est davantage l’œuvre monumentale d’un directeur artistique que celle d’un véritable réalisateur.