Après avoir été chômeur dans « La loi du marché », baladé de formation à des rendez-vous infructueux pour finir vigile dans un super-marché, après avoir été porte-parole des salariés pour éviter une fermeture totale de son entreprise alors qu’elle accusait des bénéfices importants dans « En Guerre », Vincent Lindon se retrouve de l’autre côté de la barrière sociale en endossant le costume d’un cadre réputé pour une enseigne locale qui appartient à une marque industrielle internationale, laquelle fait aussi d’importants bénéfices.
Ouf ! Je respire.
Justement ça respire le vrai, la réalité, l’actualité brûlante, tout sonne incroyablement juste.
A l’heure où j’écris ces lignes, les employés des raffineries de pétrole sont à leur deuxième semaine de grève. Ils réclament une hausse de leur salaire car leur entreprise TotalEnergie fait de gros bénéfices.
Ici, il est aussi question de gros bénéfices mais la multinationale doit dégraisser. Elle demande à ses cadres locaux d’exécuter la consigne. Et si certains y parviennent d’autres comme Philippe Lemesle tentent de retarder l’échéance, l’inéluctable.
Car Philippe Lemesle a une conscience ou plutôt Stéphane Brizé ne peut pas imaginer Vincent Lindon dans un rôle purement ingrat, dénué de scrupules.
Vincent Lindon aurait-il accepté ? Possible.
Pour l’heure, il faut que le personnage interprété par Vincent Lindon ait du Vincent Lindon dans son âme, dans sa conscience sociale ; il faut qu’il y ait du Thierry de « La Loi du marché » et du Laurent Amédéo de « En Guerre » dans les veines de Philippe Lemesle.
Le rôle ingrat revient à une débutante : Marie Drucker qui fait ses premiers pas dans l’industrie cinématographique ; elle est tout bonnement épatante, bluffante. Elle porte son personnage Claire Bonnet-Guérin avec un talent que je ne lui soupçonnais pas. Sa parole respire l’ambition personnelle au service de la collectivité, elle est ferme, autoritaire, jamais arrogante, jamais condescendante, avec un zeste de bienveillance.
Stéphane Brizé et son scénariste ne lui ont pas dessiné un portrait grossier vu cent mille fois.
Aussi étrange que cela puisse paraître, je n’arrive pas à la détester et je crois que ce n’est pas le propos des scénaristes.
On est vraiment dans un autre monde.
Un monde où les dirigeants sont des salariés.
Au-dessus de ces dirigeants locaux, de ces dirigeants nationaux, il y a un dirigeant, LE ponte, LE PDG qui régit, qui orchestre, qui décide, qui dirige tout ce petit monde fait d’exécutants, dirigeants compris ! Les dirigeants doivent s’exécuter comme de simples salariés, ils doivent s’inscrire dans la ligne commerciale de leur enseigne, ils doivent marcher au pas. Il n’y a pas d’initiative à prendre, louée soit-elle, il y a une consigne à exécuter, point barre ! N’est-ce pas monsieur Philippe Lemesle ?
A propos du personnage, il est regrettable que les scénaristes
ait chargé la mule avec un divorce douloureux et un fils qui disjoncte.
Le récit n’avait pas besoin de ça, en ce qui me concerne, je n’y trouve aucune justification (si tant est il y en avait une) aux préoccupations de Philippe Lemesle. Le plan social suffisait.