Vu au ciné "UN AUTRE MONDE" de Stéphane Brizé, après "La loi du marché" et "En guerre" le cinéaste clôt un tryptique social qui résonne si fort avec notre monde du travail actuel et dénonce les travers et les dérives du capitalisme et toujours avec son acteur fétiche, Vincent Lindon, ici un cadre supérieur, directeur régional, à qui on demande de procéder à un plan social, en renvoyant 10% de l'effectif.En même temps que cette "séparation" professionnelle qu'il va devoir assumer, le quinquagénaire, à un tournant décisif de sa vie, doit faire face à une vraie séparation intime avec sa femme, la mère de ses deux enfants, qui lui reproche de l'avoir sacrifiée au profit de son travail, trop invasif, d'ailleurs le film commence par un panoramique sur les photos des meilleurs moments en famille puis bascule sur une réunion juridique avec les deux membres du couple et leurs avocats.Mais le gros du film est cette gestion du plan social que cet homme considéré comme humain par ses employés va devoir expliquer et faire passer...ou détourner, coincé entre sa directrice générale et ses employés, entre le capitalisme forcené et inhumain, prêt à tout pour enrichir les fonctionnaires, et la réalité du terrain, comme broyé par le système. Dans ce thriller autant intimiste que social, le cinéaste filme cette vie qui se brise et ces doutes qui rongent cet homme, un vrai dilemme moral qui lui est imposé et qu'il doit assumer.C'est à la fois cliniquement froid et humainement déchirant, cruel et révoltant aussi.Stéphane Brizé, une nouvelle fois, réussit à nous captiver par la justesse et la vérité de sa mise en scène, filmant au plus près les visages et les silences si parlants.Vincent Lindon est une nouvelle fois exceptionnel de justesse et d'intensité, ici dans le rôle d'un cadre en perte de repères, plus intériorisé mais aux silences si expressifs, comme dans cette séquence de visite de la maison, uniquement filmée à travers son regard, l'acteur dévore le film, Sandrine Kiberlain étant plus en retrait, mais encore parfaite, car même si ici elle pleure beaucoup elle le fait si bien, avec une touchante fragilité, plus Anthony Bajon, dans le rôle du fils en plein "burn-out" étudiant, qui confirme, malgré le trop peu de scènes, son talent particulier.Une mention aussi particulière pour Marie Drucker, excellente en directrice, dame de fer dans un gant de fer, imperturbable.Du cinéma vérité implacable qui n'oublie pas d'être profondément humaniste, nécessaire et réussi.