Jonas (Grégory Montel), la quarantaine bien entamée, est à la croisée des chemins. La petite société de BTP qu'il dirige bat de l'aile par la faute d'un promoteur véreux. Sa vie personnelle ne va guère mieux : Jonas a quitté sa femme (La Drucker) pour Léa (Anaïs Demoustier), une jeune soliste avec laquelle il entretenait depuis plusieurs mois une folle liaison adultère. Mais Léa a rompu un mois plus tôt.
Au lendemain d'une nuit agitée, Jonas, qui ne résout pas à oublier Léa, décide de faire le siège de son appartement. Il s'installe dans le bistro d'en face et y entame la rédaction d'une longue lettre avec la complicité de Mathieu (Grégory Gadebois), le barman.
Voilà bientôt vingt ans que Jérôme Bonnell trace un sillon original dans le jeune cinéma français. Son premier film s'intitulait "Le Chignon d'Olga". Je m'en suis souvenu en regardant Anaïs Demoustier, filmée de dos, remonter ses cheveux dans un geste plein d'élégance et de sensualité (il est vrai que si Anaïs Demoustier faisait des crêpes ou passait l'aspirateur, je la trouverais immanquablement élégante et sensuelle !). Son dernier en date, "À trois, on y va", remonte à presque sept ans ; il n'avait pas reçu un grand écho ; mais la fraîcheur du trio amoureux qu'il mettait en scène (composé de Félix Moati, de Sophie Verbeeck et... d'Anaïs Demoustier) m'avait enthousiasmé et lui avait valu une place dans mon Top 10.
Aussi attendais-je avec gourmandise ce "Chère Léa" - au risque de faire une overdose d'Anaïs D., deux semaines après "La Pièce rapportée" et trois mois seulement après "Les Amours d'Anaïs". J'en attendais deux qualités auxquelles je suis sensible : légèreté et nostalgie. Quoi de plus touchant en effet que l'histoire d'une rupture amoureuse, surtout lorsqu'elle n'est pas filmée avec les gros sabots du mélodrame ?
Force m'est hélas d'avouer une petite déception. Les acteurs ne sont pas à blâmer. Qu'il s'agisse d'abord de Grégory Montel - dont la voix me rappelle irrésistiblement les intonations de Daniel Auteuil - qui, après trop de seconds rôles, trouve enfin le chemin du haut de l'affiche, de Léa Drucker dont l'unique scène suffit à lui faire crever l'écran, de Gregory Gadebois, toujours parfait dans le rôle du gros nounours empathique et, évidemment, d'Anaïs Demoustier.
Je serais tout aussi ingrat de blâmer le scénario qui, louchant du côté du théâtre, avec un dispositif minimaliste (un bistro au coin d'une rue, une journée qui s'écoule, une demie-douzaine de personnages à peine qui y entrent et en sortent sans guère s'en éloigner), ménage suffisamment de rebondissements pour tenir la durée.
Ce qui m'a peut-être freiné est, tout bien considéré, la sagesse du propos, son manque d'originalité, sa succession prévisible de saynètes appliquées (la rencontre comico-tragique avec un autre amant de Léa, la confrontation avec le beau-frère du promoteur véreux....) qui empêchent à l'ensemble de se hausser au-dessus du niveau de l'aimable et oubliable comédie sentimentale française standard.