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🎬 RENGER 📼
7 118 abonnés
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3,0
Publiée le 11 décembre 2020
Boris Svartzman réalise ici son premier long-métrage et s’intéresse de près au sort réservé aux millions de paysans chinois expropriés chaque année. La Chine est en constante mutation immobilière et on ne compte plus les documentaires à ce sujet, notamment I Wish I Knew (2010) de Jia Zhangke.
Pendant 7 ans, le réalisateur a posé sa caméra à Ghanzhou, une île fluviale à proximité de Canton. Les 2 000 villageois furent chassés par les autorités locales pour permettre un projet d’urbanisation (une « île écologique »). Sauf qu’en Chine, le droit de propriété, les autorités s’en foutent éperdument et prennent un malin plaisir à se simplifier la vie, en expropriant purement et simplement les habitants (on dénombre ainsi 5 millions de paysans expropriés chaque année en Chine). Seraient-ils allergiques à la paperasse administrative ? Comme le dit si bien un des villageois dans le film : « le mot "Droit" n'existe pas en Chine ».
Entre résistance et résilience, certains habitants de Ghanzhou n’ont pas eu peur d’affronter les autorités et la pression policière (menaces, intimidations, surveillance quasi permanente, coupure d’eau et électricité) et sont revenus vivre dans les ruines de leur village, voir dans leurs propres maisons. Comme si chacun brandissait un bon gros fuck au Parti Communiste, chacun tente à sa manière de se réapproprier ses lieux, de se réinventer une vie, bref de tenter de vivre avant la prochaine et ultime évacuation.
En ayant passé autant de temps à leurs côtés, Boris Svartzman a su se faire accepter au sein de cette petite communauté. Les langues se délient et certains n’hésitent pas à dire tout haut ce que chacun pense tout bas (tenir de tel propos face caméra et dans un pays tel que la Chine où les droits de l’Homme sont bafoués, relève à la fois du courage et du suicide).
Un documentaire saisissant, qui lève le voile sur ce qu’est capable de faire le gouvernement chinois envers ses concitoyens. Entre colère et nostalgie, les habitants résistent comme ils peuvent, tel David contre Goliath (moments forts du film, la lecture des courriers envoyés par les habitants auprès des autorités, pour qu’elles respectent leurs droits à la propriété et que cesse ce harcèlement).
Un combat (hélas) perdu d’avance mais que ce film aura pu nous permettre de voir tel un journal de bord année après année et où le contraste est saisissant. D’un côté, Dame Nature qui a fini par reprendre ses droits et envahit les ruines de l’ancien village et de l’autre, la nouvelle mégalopole en construction, qui n’a d’écologique que le nom. La spéculation immobilière dans toute son horreur.
En 2008, les habitants ancestraux d’une petite île située dans un bras de la Rivière des perles près de Canton ont été délogés manu militari et leurs maisons ont été rasées. Leur éviction devait permettre la construction d’un immense projet immobilier soi-disant écologique, à une encablure du centre-ville de Canton. Quelques habitants, sans droit ni titre, ont refusé de quitter les lieux et continuent de vivre dans les ruines. L’anthropologue franco-argentin Boris Svartzman est venu les filmer.
Le thème des mutations urbaines pénètre de part en part le cinéma chinois contemporain. Il est au cœur de l’oeuvre de Jia Zhangke, peut-être le plus grand réalisateur chinois vivant. C’est aussi le thème principal de "Séjour dans les monts Fuchun" ou de "So Long, My Son" qui ont remporté récemment en France un succès mérité, mais aussi de "Vivre et Chanter" ou de "Les anges portent du blanc", passés plus inaperçus. Plusieurs documentaires l’ont pris à bras le corps tels que "Derniers jours à Shibati" réalisé par un documentariste français dans la ville multimillionaire de Chongqing au Sichuan.
Ce qui frappe, dans "Guanzhou, une nouvelle ère", c’est moins ce refrain déjà souvent entendu du temps qui passe, des vieux quartiers qu’on détruit, des insolentes tours ultra-modernes qu’on érige et du dédain dans lequel on laisse les anciens habitants nostalgiques, que la liberté de ton de ces Chinois expulsés. On imaginait, à tort ou à raison, que la Chine était un État policier, cadenassé, où la liberté de parole n’existait guère et où chaque Chinois était encadré par un contrôle social très strict et un appareil d’Etat omniprésent et omniscient. Les témoignages glanés par Boris Svartzman sidèrent par leur liberté de ton et par la dureté des critiques qu’ils font entendre. Ils suscitent plus de questions qu’ils ne donnent de réponses : les paysans qui ont parlé à visage découverts ont-ils été inquiétés pour leurs propos ? le réalisateur s’est-il vu interdire à tout jamais le droit de retourner en Chine ? Des réponses positives ne nous surprendraient guère et accréditeraient l’idée préconçue qu’on nourrit d’une Chine autoritaire. Des réponses négatives nous surprendraient plus et ouvriraient l’espoir (ou l’horizon) d’un État moins omniscient qu’on l’imagine et/ou acceptant qu’une contestation sociale s’exprime – dès lors qu’elle ne menace pas l’ordre établi.
Ce film est profondément humain ! Un documentaire filmé par un réalisateur qui parle couramment le chinois et qui respecte les personnes qu'il filme, qui deviennent des personnages cinématographiques d'autant plus beaux qu'ils sont réels ! C'est tellement rare et plaisant !
En plus, c'est très bien filmé ! Chaque image, chaque plan a son sens, trouve sa place.
De loin parmi les meilleurs documentaires que j'ai vu les dernières années, et qui m'a donné envie d'écrire ma première critique, oh que positive !
Remarquable documentaire. Un regard humain et connaisseur de son terrain qui nous offre une compréhension nouvelle des implications du modèle de "développement" chinois. Et ce à une échelle restreinte (celle d'un village voué à disparaître face à un projet pseudo-écologique de spéculation immobilière) et sans récit imposé, car ce sont toujours les habitants qui s'expriment et nous offrent une compréhension fine et même intime des processus politiques auxquels ils sont soumis.
Le réalisateur a su recueillir leurs propos avec finesse, et les accompagner d'images superbes dont des plans (mettant en abime l'ancienne ruralité et la nouvelle urbanité) qui restent gravés en sortant de la salle.
Un témoignage original et artistique de la fin d'un monde dont le gouvernement chinois semble empressé de faire table rase.
Nous sommes allés voir le film avec mon fils de 13 ans. Nous avons été très touchés par le desespoir des habitants du village qui se battent comme ils peuvent pour se défendre face à une administration intransigeante. Difficile de voir "l'île écologique" dans ces grands immeubles en construction. Même si certains plans nous permettent de comprendre que le tournage s'est fait sur plusieurs années, un petit rappel chronologique aurait été intéressant.
Nous avons énormément apprécié ce très beau film personnel de Boris SVARTZMAN qui illustre la résistance d'une poignée de villageois d'un petit bourg ancien près de Canton qui refusent de se plier aux volontés de responsables locaux qui veulent, en faisant table rase du passé, construire une ville prétendument écologique sur une île jusqu'à présent épargnée par la spéculation immobilière. Le contact qu'a su nouer le réalisateur avec quelques uns des villageois est très respectueux et non-intrusif en les laissant exprimer à leur façon leur combat et leur incompréhension devant la brutalité et la surdité des autorités. C'est magnifique et émouvant, sans parti pris revendicatif et, dès lors , d'autant plus fort. Ces visages, ces propos restent dans l'esprit. On ne peut pas ne pas penser à ANTIGONE, si démunie et pourtant si forte... Merci pour ce film de grande qualité qui marque les spectateurs.
Quelle humanité dans ce film. Parlant couramment la langue, le réalisateur Boris Svartzman a su recueillir avec beaucoup de naturel et d'à propos les nombreux témoignages avisés des habitants de Guanzhou (au cours de ses dix ans de visites régulières). Le choix des propos des paysans menacés d'expulsion donnent une parfaite vision d'ensemble de leur situation. La progression des chantiers immobiliers menacent leurs parcelles encore épargnées et les quelques maisons encore debout. Ce film nous donne à voir cette réalité-là, sans récit imposé. Mais les échanges fluides, amicaux et drôles, les séquences filmées avec la juste distance donnent à ce film une grande douceur. Témoignages précieux autant pour les spectateurs qui verront ce film que pour les habitants de ce village dont la mémoire ne sera pas effacée.
Avec ce documentaire, le réalisateur a réussi à créer une touchante et habile allégorie de la Chine contemporaine, où une discrète mais caustique satire sociale fait bon ménage avec une profonde tendresse et admiration pour ses protagonistes.
Comme pour un reportage, sa caméra se borne à suivre les villageois dans leur quotidien, le travail du champ, le ménage, le repas, le loisir, la fête, avec une vigueur impartiale, que ne vient soutenir aucune éloquence affective. Si le sujet du film est politique dans son point de départ, ne l’est pas dans son objet, lequel est toujours individuel et humaniste.
Avec 200h de rushes, le réalisateur a fabriqué un film de 1h10. En dépouillant de tout ce qui n’est pas essentiel, il parvient à la globalité dans la simplicité. Un tel film est tout le contraire du réalisme « pris sur le vif », mais l’équivalent d’une écriture austère et dépouillée.