Avant de voir L'Exorciste, il faut se retirer une ou deux idées préconçues que l'on pourrait avoir. La première, mineure, concerne le célébrissime morceau Tubular bells de Mike Oldfield : il n'est pas un thème récurrent dans le film comme peut l'être le thème principal de La Nuit des masques de John Carpenter. Au contraire, il n'est présent que lors d'une scène, qui n'est même pas une scène d'angoisse, où Ellen Burstyn traverse la ville pour rentrer chez elle et sur le générique de fin, sans oublier que les toutes dernières secondes précédant le générique final utilisent les toutes premières notes de ce thème.
La seconde idée préconçue, nettement plus importante, concerne le statut de film d'épouvante de cette oeuvre. En effet, contrairement à ce que l'on pourrait penser de nos jours, L'Exorciste n'est pas un enchaînement de scènes à effets spéciaux. En effet, ceux-ci apparaissent essentiellement dans les trois derniers quarts d'heure du film (qui concerne le fameux exorcisme). Le reste du film se concentre essentiellement sur la montée progressive des signes de possessions et sur l'étude des personnages.
Ainsi, si le film possède une telle force encore aujourd'hui, cela est dû en grande partie à ce dernier aspect. Effectivement, William Friedkin base sa réalisation sur la crédibilité de ses protagonistes et de leur environnement, donnant un aspect documentaire typique des années 70. Ainsi, il ne s'axe pas que sur la famille touchée par l'exorcisme mais passe de nombreuses séquences à montrer la vie du père Karras, qui est ainsi plus qu'un super-héros pour le spectateur mais un être auquel on s'est attaché. Même si cela peut décevoir les jeunes spectateurs s'attendant à une débauche d'hémoglobine et trouvant cela un peu long, tout ce travail psychologique (qui, par ailleurs, n'est jamais ennuyant) permet d'arriver crescendo vers les séquences de possessions et d'exorcisme de la fin et surtout de les rendre crédibles.
Les effets spéciaux, à l'exception d'un ou deux qui aujourd'hui sont un peu voyants (en particulier les retournements de tête à 360°), sont ainsi très réussis, ce qui est dû en grande partie au fait que, les trucages numériques n'existant pas encore, ils étaient tous réalisés en direct sur le plateau.
Passé un prologue en Irak très dispensable (visiblement, il n'est là que pour évoquer le démon Pazuzu et pour présenter le père Merrin, que l'on ne reverra plus pendant plus d'une heure),
L'Exorciste est une véritable réussite due à une réalisation réaliste et très exacte, à des maquillages et des effets spéciaux splendides globalement encore très crédibles aujourd'hui et à une interprétation parfaite à tous les niveaux. Ainsi, il ne faut pas oublier de souligner l'extraordinaire prestation, pour une enfant de 13 ans, de Linda Blair tournant des séquences qu'elle ne comprenait pas obligatoirement à l'époque
(notamment la séquence de la masturbation avec un crucifix)
. Il faut également souligner le maquillage indécelable de Max von Sydow qui parait beaucoup plus vieux que son âge réel.
Enfin, il ne faut pas oublier de signaler que le film est disponible dans deux versions différentes. La première est la version sortie à l'époque qui correspond parfaitement à la vision de William Friedkin. La seconde, nommée injustement Director's cut, est en réalité une version où Friedkin a accepté de réintégrer certaines séquences qu'il avait supprimée à l'époque mais que regrettait William Peter Blatty, l'auteur du roman et du scénario. Bien que les séquences insistent un peu plus sur l'aspect spirituel, le film reste globalement le même. Toutefois, si on peut apprécier certains ajouts, d'autres effets supplémentaires
(les surimpressions du visage de Pazuzu sur le mur pendant la coupure de courant)
et de nouvelles séquences
(la séquence de l'araignée trop rapide, peu convaincante et intervenant trop tôt ou le dialogue final entre Kindermann et le père Dyer rendant le tout plus optimiste)
sont plus discutables.
Malgré tout, quelques soient les versions, L'Exorciste reste un sommet du film d'horreur et un classique du cinéma tout court toujours extrêmement prenant. A voir et à revoir.