Profitant de la sortie de "La Belle et la Bête", la télé rediffusait ces jours-ci "Le Pacte des loups" (2001), carton historique de Christophe Gans (5 millions d’entrées quand même !). L’occasion de revoir et réévaluer un long-métrage qui provoqua à l’époque la sidération du public et d’une bonne partie de la critique. Autant le dire tout de suite, je trouve que le film a beaucoup vieilli. Entre temps, les technologies numériques ont énormément progressé, et les effets spéciaux dont Gans use et abuse font aujourd’hui presque sourire. Et puis ce cinéma transgenre, qui mixe ici allègrement le film d’aventure, les arts martiaux façon HK, et le film d’époque classieux à la Kubrick, est depuis pratiqué par d’autres, et de façon plus convaincante. N’empèche, avec ce monstre hybride et déconcertant, Gans faisait figure de pionnier. Un visionnaire pour le moins, l’entrepreneur d’un nouveau cinéma. Presque un démiurge. L’univers qu’il dessinait alors (les décors, les costumes, les accessoires incongrus…) demeure toujours aussi séduisant. Et son intrigant tandem d’enquêteurs, le blanc et l’indien, précède de 12 ans celui de "Lone Ranger". Non, c’est la réalisation qui pèche : Cachée derrière cette profusion d’images, il y a chez Gans une curieuse impossibilité à choisir. Choisir plutôt que d’empliler les péripéties et les digressions, choisir aussi ses plans plutôt que de multiplier les points de vue. En post-production, on dit qu’il eut le même mal à lâcher le jouet du numérique. Pulvérisant tous les plannings et les prévisions budgétaires, s’attardant au delà du raisonnable. Pour retoucher la plastique de Monica Bellucci (qui n’en avait certainement pas besoin), et pour reprendre et reprendre encore l’étalonnage. Résultat, une photographie qui manque de densité, un trucage de monstre étonnamment raté, et une débauche de ralentis ou d’arrêts sur image. Sans parler de ces fondus-enchainés pour raccorder de simples plans dans l’axe, qui disent à quel point Christophe Gans lui-même ne croit pas à sa propre mise-en-scène.