Alors que Marvel ralentit la cadence chez Disney, que DC a lancé le protocole table rase chez la Warner, Sony tente sa chance en surfant sur un créneau en or. Et malgré toute la visibilité qu'on lui accorde, nous sommes tenus de prévenir les indécis qui liront ces prochaines lignes. Madame Web ne tient aucunement ses promesses, hormis celles de nous piéger dans sa toile d'ennui. Si c'est de l'action et du spectaculaire que vous cherchez, passez votre chemin. La salle d'à côté aura sans doute plus de mérite de vous divertir que cette pénible aventure, qui manque de faire briller une sororité ou un antagoniste original.
Après une exposition sans tension, nous retrouvons Cassandra Web, une ambulancière qui fonce sur la route comme dans la vie. En conflit avec sa mère qui lui a donné naissance dans la forêt amazonienne et qui est décédée suite à l'accouchement, elle ne parvient pas à bâtir un avenir personnel solide. Puis ni une ni deux, des visions du futur lui apparaissent, elle doute, mais les accepte. Et cela prendra approximativement une bonne heure avant qu'un trio d'adolescentes ne soit greffé au récit, qui m'attendait qu'eux pour enfin démarrer. Pas de bol, ces dernières ne possèdent pas les meilleurs dialogues pour être convenablement caractérisées. On ne cesse de recontextualiser, poser des chars d'assaut de Tchekhov et suivre le fil rouge des prémonitions, sans intérêt ni électrochoc remarquable. Sage à tout instant, ce film est également doté d'une paresse esthétique qui ne relève en rien des qualités de toute manière inexistantes.
Les plans ne sont ni épiques, ni calqués sur le modèle des vignettes de comics. La photographie ne compense pas non plus le montage invraisemblable du film, qui avance par à-coups et sans destination précise. Quant à la caméra, ce serait un outrage de penser qu'elle a été tenue par un cinéaste de chair, de sang et de raison. S.J. Clarkson, qui est à présent une vétérane du monde sériel, n’est donc pas parvenu à trouver des compromis dans cette production que l’on devine chaotique. Les personnages manquent de présence et de profondeur quand ils ne sont pas oubliés dans le carrousel prémonitoire, qui revient sans arrêt dérouler les péripéties. A-t-on déjà oublié l’exploit d’Incassable à ce sujet ? Et en les respectant scrupuleusement, on laisse finalement peu de place au suspense. Cela donne lieu à ce syndrome schizophrénique des majors hollywoodiens, qui vampirise l’idée même du multivers pour corriger les tirs manqués. Une fâcheuse habitude qui ternit le peu d’espoir qui reste au sein du Sony's Spider-Man Universe. Ce qui est toutefois cohérent avec les travaux d’écriture de Matt Sazama et Burk Sharpless (Dracula Untold, Le Dernier chasseur de sorcières, Gods of Egypt, Power Rangers), dont la boule de cristal a déjà implosé avec leur dernier essai, Morbius.
Difficile de croire en cette arnaque industrielle, dont le budget excède les 80 millions de billets verts. Si Dakota Johnson ne peut y croire, ce n'est pas avec quelques feux d'artifices que le spectateur trouvera son bonheur. Et ce n'est pas non plus avec son homme-araignée maléfique que Tahar Rahim pourra briller à Hollywood. Ce vilain est rapidement jeté aux oubliettes, un peu comme tout ce qu’on pourrait trouver dans cette tambouille qui n’a aucune identité artistique. En somme, impossible de compter sur Madame Web et ses acolytes passifs pour relancer la machine super-héroïque de Sony. Tous les dons de prescience auraient pu prédire un échec cuisant, mais pas au point de perdre toute dignité, qui n'est ni le premier ni le dernier moment d'égarement. Pour rappel, Kraven le Chasseur et Venom 3 sont prévus plus tard dans l’année…