On ne va pas se mentir, on passe plutôt un bon moment devant « Le Discours ». Tiré du roman homonyme de Fabrice Caro et non d’une pièce de théâtre comme pourrait le laisser penser la réalisation, le côté verbeux et très loquace des personnages ainsi que le peu de décors présents. Laurent Tirard à qui l’on doit « Le Petit Nicolas », un Astérix ou encore « Un homme à la hauteur » adapte donc ce livre qui égratigne nos petites habitudes, les relations et non-dits familiaux et les petits travers et manies de chacun. Dans sa description de cette introspection personnelle et familiale, on rit beaucoup et impossible de ne pas se retrouver dans une ou plusieurs des situations ou personnages. C’est tellement bien vu et bien croqué, qu’on en vient à rire de la condition humaine et, par ricochet, de soi-même. Le postulat est simple : un homme se fait quitter par sa copine qui veut faire une pause. Après plus d’un mois il se décide à la contacter par message et attend la réponse alors que le soir-même il dîne chez ses parents en famille et que son beau-frère lui demande de faire un discours au mariage de sa sœur. S’ensuit une succession de vignettes plus ou moins drôles qui auscultent la condition humaine avec humour et sagacité. Et « Le Discours » commence sur les chapeaux de roue, enchaînant les saynètes drolatiques à vitesse grand V en nous faisant souvent éclater de rire par la véracité de ce qui est dit et le burlesque des situations. C’est d’abord irrésistible mais le film s’essouffle et devient parfois un peu répétitif et lassant. Les gags et dialogues de la seconde partie sont moins efficaces et la redite pointe le bout de son nez mais, heureusement, le long-métrage a le bon goût d’être court.
Pour pallier à l’aspect théâtral ou de one-man show filmé de son adaptation, Tirard regorge d’idées de mise en scène. Il s’amuse, innove et n’a pas peur d’essayer. On y voit des restes de ses précédentes réalisations mais on sent qu’avec ce pitch, il se permet plein de choses. « Le fabuleux destin d’Amélie Poulain » nous vient parfois à l’esprit mais sans le côté magique. Il parvient à nous soustraire à l’immobilisme des décors et au monologue intérieur du personnage principal en nous gratifiant de plans ingénieux et à propos, qui nous surprennent constamment. C’est pétillant, coloré et ingénieux. Cependant, certains effets sont redondants. Par exemple, le fait de briser le quatrième mur (Adrien s’adresse régulièrement à la caméra) est un procédé qui fonctionne au début mais dont il abuse et qui devient quelque peu forcé plus le film avance. De plus, certaines séquences sont complètement ratées et, même si elles sont rares, font caler le film à plusieurs reprises. On pense notamment à la séquence avec l’horoscope. Mais l’écriture est tellement fine et juste que l’on pardonne, comme le prouvent les différentes variations et tonalités du discours qui s’apparente à un travail d’orfèvre de la part des dialoguistes. C’est intelligent et objectif à la fois et les acteurs sont d’une justesse de jeu incontestable. Benjamin Lavernhe a la lourde tâche des discours, des monologues et d’être presque de tous les plans. Et il est parfait dans ce premier rôle et peut enfin donner libre à son talent issu de la Comédie Française. Il n’avait pas trouvé de rôle autant à la hauteur de son talent depuis le très beau « Le Goût des merveilles ». Et tous les seconds rôles, parfaitement castés, qui lui donnent la réplique sont tout aussi bons. On dirait qu’ils sont tous nés pour incarner ces personnages, proches de la caricature mais au final très réalistes. « Le Discours » est donc amusant et loin d’être bête, il nous offre une comédie décalée et parfois surprenante qui porte un regard affûté sur la famille, le couple et la bienséance. C’est jouissif et parfois corrosif mais ce regard reste toujours tendre. Un bon petit moment de légèreté pas si futile qu’il ne le laisse penser. On regrette que le ton incisif et misanthrope ne soit plus poussé et que le long-métrage fasse parfois du surplace sans se renouveler mais cela reste très plaisant.
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