Cette adaptation d'un roman de Fabcaro est surprenante ! Laurent Tirard, habitué aux comédies françaises à gros budget (Le Petit Nicolas, Astérix & Obélix : Au service de sa majesté, Le retour du héros...) se réinvente grâce à un concept singulier, inventif et théâtral, à la fois touchant et savoureux. Ici, un trentenaire, en attente d'un SMS déterminant l'avenir de sa vie sentimentale, est coincé à un diner de famille où le père balbutie toujours les mêmes anecdotes, où la mère pose sans cesse les mêmes questions et la soeur donne le bonheur de son couple en pâture. Face à ce tableau répétitif et anodin, le héros perd patience et n'attend qu'une chose : que son message arrive. L'angoisse de l'attente vire soudainement à la panique lorsque son futur beau-frère lui demande de faire un discours à leur mariage. Est-il capable d'assumer une telle responsabilité ? Qu'a-t-il à dire ? Comment toucher au coeur ses personnes qu'il côtoie au quotidien ? Via une structure continuellement en mouvement, jonglant entre le salon où se déroule le repas de famille et une série de souvenirs et de rêveries, "Le Discours" n'a de cesse de nous emporter par son humour cinglant, ses jolies trouvailles visuelles et ses situations qui sonnent justes, percutantes de tendresse. Le personnage principal, brillamment interprété par Benjamin Lavernhe, est placé en tant que narrateur qui raconte sa vie, la commente, l'imagine et s'adresse directement aux spectateurs. Cet exercice déroutant pour nous et sans doute très périlleux pour l'acteur est assuré avec panache et participe habilement à notre intérêt ! Des parenthèses de vie, prenant la forme de courtes scènes, garantissent la richesse imprévisible et décalée de cette comédie apparement banale. Le réalisateur, lui, s'amuse à casser les codes, les murs et les lois du temps ! Le décor, les lumières, les transitions, le rythme décousu du récit sont agencés et réglés comme du papier à musique et c'est extrêmement plaisant à regarder. Ça m'a fait penser à l'univers loufoque de Michel Gondry par moment. Évidemment, pour rendre aussi palpable cette invention abstraite, l'interprétation se doit d'être au cordeau, car l'essentiel de la structure narrative repose sur ses acteurs. La névrose et l'égoïsme du héros, ses échecs et ses angoisses existentielles, qui auraient pu le rendre antipathique, sont en fait maniés avec une certaine douceur, ce qui rend ce presque one-man-show attachant. Julia Piaton, Guilaine Londez, François Morel et Kyan Khojandi complètent ce portrait de famille, non sans clichés, mais toujours avec simplicité et plaisir du jeu. Peut-être trop théâtral pour certain, trop ordinaire pour d'autres, "Le Discours" marque les esprit par son originalité, ses petites vérités et les grandes émotions qu'il procure.