Un film en apparence simple mais qui est bien plus complexe qu'il ne veut le laisser croire.
Nous suivons ici les péripéties de Jean-Pascal Zadi, comédien raté, militant borderline, et avant tout homme noir (comme il aime à le souligner). J-P, petite star du net grâce à ses vidéos provocatrices, sera suivi par une petite équipe de télévision qui le filmera dans son quotidien de militant pour la cause noire en France.
La volonté de J-P de devenir la figure de proue de la cause noire, tel un Mandela ou un Martin Luther King, mais français, le poussera à entreprendre le pari osé d'organiser une marche de contestation noire dans la capitale et le mènera à la rencontre de nombreuses célébrités, dont il espère l'adhésion.
Alors voilà, Tout simplement noir est un film hautement comique, et toute sa simplicité porte à croire que l'on va faire face à un film qui ne sert qu'à divertir son public. Mais force est de constater que les 2 ans d'écriture nécessaires au film ont été bien réfléchis.
-La mise en scène est très simple, une caméra embarquée, qui à mon goût n'apporte rien de plus au film (ni le dessert), mais est juste prétexte au scène du quotidien qui se dérouleront sous nos yeux. D'ailleurs cette caméra n'aura que très peu d'incidence sur le déroulement de l'histoire, la plupart des personnages laissant libre court à leurs opinions comme ci elle était inexistante (ce qui est, admettons-le, peu réaliste).
J'apprécie néanmoins le côté "fait maison" de ce film, loin d'une grosse production française, ce qu'il n'est pas d'ailleurs: 2,5 millions d'€ de budget (contre 4 en moyenne pour un film français), 6 semaines de tournage (contre 10 à 12 en moyenne également).
-Un casting 5 étoiles, il suffit de regarder l'affiche du film, et chacun joue à la perfection (mention spéciale à Fabrice Éboué, Lucien Jean-Baptiste et Mathieu Kassovitz). Au vu de la pléthore de star présente dans le film, il faut vous attendre à une apparition très inégale de chacun, d'ailleurs
Omar Sy
(dont le nom n’apparaît pas pour laisser la surprise) aura une scène plus qu'oubliable à la fin du film.
Mais quand est-il du fond ? Parce que oui, le film apporte sa propre réflexion à la "question noire" en France, qui peut rendre frileux certains tant elle est vive dans les esprits (encore plus avec l'actualité du moment). Et quand je dis "question noire" je ne parle pas de dénoncer les travers de notre société, mais plutôt d'une réflexion plus personnelle sur comment est vécu et pensé le fait d'être noir par les membres de cette même communauté.
-Il ne sera pas uniquement question d'un enchaînement de gags, chacun servent le propos du film. Mais quel est le propos ?
Si nous devions retenir une question de ce film ce serai "C'est quoi être noir ?". Une question plus que légitime en 2020 et dont on ressent l'importance dans ce film.
En effet, "C'est quoi, pour toi, être noir ?". Est-ce que c'est une question d'apparence physique ? D'origine géographique ? Du passé d'esclave de tes ancêtres ? Pour certains oui, pour d'autres non, et encore pour d'autres c'est plus compliqué que ça, et Tout simplement noir nous montre à quel point cette question est vide de sens. Si le personnage y répond de manière complètement absurde à JoeyStarr, on comprend vite la difficulté de chacun à y répondre par la suite. Entre celui qui ne sait plus qui il est et s'invente une personnalité pour faire sa place dans le monde, celle qui estime devoir sa place par son travail et ses compétences et non par sa couleur de peau, ou encore l'homme antillais qui ne s'identifie pas au continent africain... Tous montrent, par leurs multiples vécus, personnalités et origines, à quel point il est incohérent de vouloir casé ce beau monde dans une même catégorie.
-À ce titre, le film montre une justesse incroyable dans l'interpretation de cette question par les différents individus. On aura le droit à des scènes complètement absurdes du personnage principale, qui abusera de sa condition de noir, quitte à en desservir la cause. Et d'autres scènes où celui-ci aura des réflexions profondes et justes sur lui-même et ce qui l'entoure.
Au final, c'est un film qui n'a pas la prétention d'apporter de réponse. Il montre, et il montre avec beaucoup de sincérité, d'autodérision et de recul. Il montre à la fois une autocritique du ridicule, de l'abus et du paradoxe des comportements ou propos qui peuvent être parfois tenus par la communauté noire, et l'incompréhension de cette dernière face à sa propre condition et sa capacité à se définir.
-En point négatif, certains aspects à mon sens survolés comme la place de la femme noire ou l'exclusion de l'homme blanc dans cette lutte.
Des sketchs inégaux.
L'oscillation du personnage principal entre son envie d'être sur le devant de la scène et son engagement militant, qui prête parfois à rire mais sans plus.
Et aussi certaines scènes dont le spectateur peut avoir des difficultés à percevoir le second et le premier degré, et qui peuvent être interprété à l'identique. Je prends comme exemple une des premières scènes devant la mairie de Paris, qui sert manifestement à montrer l'absurdité du comportement et des propos du personnage, qui sera le miroir d'une des dernières scènes du film, plus sombre
(qui fait écho aux dérapages policiers que l'on peut entendre dans les médias aujourd'hui)
.
Pour conclure, j'ai eu le plaisir d'avoir participé à un débat avec les deux réalisateurs du film (Jean-Pascal Zadi et John Waxxx). Deux personnes extrêmement sympathiques et drôles, mais dont je regrette le côté un peu trop relax de, je cite, "on a fait une comédie parce que c'est tout ce qu'on sait faire", "nous ne sommes pas politiques", "on est des escrocs", qui dessert le fond du film (surtout quand il y a, au sein du film, une autocritique des films comiques qui ont aussi traité la question).
D'ailleurs, pour la dernière scène de Fary
(l'appel à l'inaction le 15 Octobre), on a du mal à savoir si c'est un vrai appel (comme il semble le montrer) ou juste une blague.
Et quand on pose la question à J-P Zadi, la réponse est en demi-teinte "non, c'est un film comique, ce n'est pas sérieux... Après on verra en fonction de la réussite du film, si le film cartonne qui sait".
Tout simplement noir est un film réfléchis, loin des clichés que l'on imagine voir avant de s’asseoir en salle
(à part la chute du sketch avec Éboué et Jean-Baptiste, too much)
. Et contrairement à ce que peut dire le premier réalisateur, c'est un film engagé.
P.S: Ma note est de 4 étoiles, mais J-P Zadi a quand même insisté pour qu'on mette 5 étoiles afin de contrebalancer les 0 de la fachosphère. Donc je valide ;)
Ciao et allez voir des films !