Hazard ou loi des séries, j’ai vu trois films qui affrontent tout de go la discrimination, la ségrégation sans précaution de langage. Les mots, les expressions sont cash et ça fait du bien dans un monde, qui de plus en plus, prend des pincettes par peur de représailles. « BlackKklansman, j’ai infiltré le Ku Klux Klan », « Jojo Rabbit » et « Tout simplement Noir ». Les co-réalisateurs John Wax et acteur, Jean-Pascal Zadi, autorisent le spectateur à dire les choses telles qu’elles sont, à savoir qu’on peut employer librement le mot Noir pour désigner une personne de couleur. Par contre, il déconseille « Black ». Que penser vraiment de ce film ? Aussi étrange que cela puisse paraître, je suis mitigé. Entendu, j’adhère totalement à cette liberté de ton, à ce politiquement incorrect à l'autodérision. Seulement, le hasard a fait que j’ai vu « Tout simplement Noir » la veille des César. Et le discours de Jean-Pascal Zadi sur la scène de l’Olympia après avoir reçu le César du Meilleur Espoir Masculin a quelque peu renforcé ce sentiment mitigé. Prendre la défense d’Amara Traoré, c’est aussi implicitement s’accorder avec Assa Traoré. Ce n’est pas certain, j’en conviens. Que l’on soit bouleversé par la mort d’Adama Traoré est tout à fait compréhensible. Que sa soeur Assa Traoré soit remontée par la mort soudaine de son frère est compréhensible. Que l’on évoque une bavure peut être entendu. Seulement, Assa Traoré ne tient pas le discours d’une soeur dévastée par le chagrin, elle dit aussi qu’en Afrique « chez nous » pour reprendre ses termes, on prend les armes et on dégage les dictateurs, sous-entendu dégagé le Président de la République et toutes les valeur de notre République française. Oui, elle est persuadée que la France est un Etat raciste. Alors je me pose la question suivante : Jean-Pascal Zadi partage-t-il seulement la peine d’Assa Traoré ? Ou partage-t-il la radicalité des propos d’Assa Traoré ? Ou est-il simplement sceptique des conclusions de la gendarmerie ? Qu’il y ait des policiers racistes ne fait pas de la police une institution raciste. Et je refuse d’entendre que la France est un Etat raciste. A ce que je sache, l’apartheid n’a jamais été légalisé en France comme en Afrique du Sud ; à ce que je sache, la ségrégation raciale n’a jamais été de mise en France comme aux Etats-Unis. Rachel Khan dans son dernier ouvrage « Racée » admettait volontiers sur « L’Info du vrai » que si l’Etat français était raciste, elle ne serait pas invitée sur les plateaux de télévision, ni dans les studios de radio. Elle serait arrêtée pour son livre. Elle aurait été contrôlée à tout bout de champ. Enfin, Jean-Pascal Zadi conclut son discours en évoquant le déboulonnage des statues dont les personnages seraient étroitement liés à l’esclavage. Il faut savoir que les derniers pays à avoir aboli l’esclavage, selon un historien, c’est le Mali et la Mauritanie. Et récemment, dans les années 1990 ! Soit deux pays noirs, deux Etats noirs qui ont asservi d’autres Noirs ! Déboulonner des personnages de notre Histoire de France qui ont été étroitement liés à l’esclavage, c’est revisiter sa France, celle de Jean-Pascal Zadi puisqu’il est français, c’est refuser l’Histoire, c’est refuser tout esprit critique, refuser toute construction intellectuelle. Chaque homme doit vivre ou composer avec son passé, il en est de même pour un pays et ces citoyens. C’est grâce au passé que l’on est censé construire un futur apaisé, constructif, une société à dimension humaine. Et ces personnages historiques à qui l’on a rendu hommage en leur dressant une statue ne doivent pas être réduits au seul thème de l’esclavage. Ils ont contribué à leur façon à façonner la France. La société française a fait des progrès en terme de représentation féminine et de diversité, évidemment, tout n’est pas parfait, ou abouti et cela ne le sera jamais, il ne faut pas se faire d’illusion. Tout le monde aura sa place si le talent ou le mérite est là. Mais je me demande si la société progresse ou n’a pas tendance à régresser. Entre les propos d’Assa Traoré, ceux qui sont partisans de revisiter l’Histoire, entre les propos hallucinants d’Audrey Pulvar, je suis très pessimiste. On ne progressera jamais si un poison est constamment distillé comme celui de Jean-Pascal Zadi, son César en main. C’est pourquoi « Tout simplement Noir » sous couvert de la comédie qui se veut décomplexée n’y aurait-il pas un petit poison distillé à savoir le déboulonnage de quelques statues ? Son film ne fait-il pas aussi référence à l’esclavagisme ? En tout cas si tel n’est pas le cas, j'espère me tromper, son discours au César me paraît contre-productif et peut entacher les esprits comme le mien. Et c’est bien regrettable. Toutefois, je vais noter en toute objectivité son film qui conte l’histoire d’un type Noir assez maladroit dans son parcours pour organiser une manifestation. Maladroit dans son comportement, dans ses propos. J’ai bien aimé la séquence avec la journaliste à qui il veut à tout prix voir en elle la Noire qui a réussi plutôt que la journaliste qui a réussi par son mérite. Elle n’est pas Noire, elle est journaliste. Maladroit envers les autres communautés comme cette séquence où il refuse la présence des musulmans et des juifs dans sa manifestation ( du Audrey Pulvar ?!) ! Comme il était bien trouvé de souligner les contradictions desdites communautés. Par contre, la dispute entre Lucien Jean-Baptiste et Fabrice Eboué m’a paru interminablement indigeste. A voir… avec modération.