L'image est choquante. Un noir (ou un black) président de la République. Les Etats-Unis l'ont fait "mais ici, c'est la France monsieur !" Pourtant il ne s'agit pas de propagande mais d'une simple affiche de film. Un film qui aura été malmené par le confinement jusqu'à, hasard du calendrier, sortir à quelques encablures de l'affaire (américaine) à la portée internationale "George Floyd". Certains, persuadés que le hasard n'y est pour rien et voyant un complot dans la moindre coïncidence, diraient que le confinement aurait même été un complot visant à éviter la marrée noire (terme choisi avec soin) dans les salles de cinéma pour un film équivoque et dangereux, à l'image de son auteur (réalisateur et tête d'affiche), Jean-Pascal Zadi. Mais trêve de suspense, levons le voile (oui le voile, ne vous en déplaise) sur le titre de cette oeuvre que les plus perspicaces auront déjà identifiée :
Tout simplement noir.
Alors noir, oui. Encore que. Le terme est soumis à connotation.
Mais, tout simplement ? Pas si sûr.
Et c'est ce que va s'appliquer à montrer l'humoriste pendant 90 minutes avec une succession de rencontres dans lesquelles il va notamment solliciter une série de têtes connues, visiblement noires, pour les rallier à son intention et à sa cause : l'organisation d'une marche pour la reconnaissance de l'homme noir dans le paysage français.
Et très vite, on va se rendre compte, comme lui, que son initiative, réservée aux hommes noirs va s'avérer bien plus casse-gueule qu'il ne l'imaginait.
Malgré son côté "sketches mis bout à bout", il faut avouer que l'ensemble possède une cohérence. Zadi ne nous donne aucune leçon mais il met en avant le fait que la négritude ne se résume pas à une couleur de peau et qu'elle s'exprime et s'interprète selon les parcours, les vécus et l'histoire de chacun, individuellement et de manière identitaire. Qu'on soit dans le déni, dans l'acceptation, dans l'intolérance, dans l'humour ou dans l'image publique, le film soulève plus de questions qu'il n'apporte de réponses, il trace des chemins, croise des points de vue plus profonds qu'ils n'y paraissent et nous donne du grain à moudre au fil des pérégrinations ubuesques de son militant aussi investi que maladroit. Certains moments sonnent très justes et quelques messages de fond sur la place des noirs (et des "minorités" en général) dans la société et aux yeux de la société infusent un malaise bref mais nécessaire, rapidement dissipé par l'oeil toujours surpris et complice de notre hôte.
Personnellement, à l'image du sourire de Zadi entouré de sa famille dans les dernières secondes,
lorsque son père arrive à cette marche,
rendant très personnel un moment qui se voulait au service d'une cause (n'est pas Nelson Mandela qui veut), voilà un film qui m'a touché sans oublier de me faire rire. Qui m'a fait m'asseoir entre mon père d'origine Béninoise et ma mère Ch'ti, en quête de leurs réactions et de leurs sourires, et qui nous a donné de quoi discuter d'eux, de leur rencontre, de mon éternel africain de père qui a embrassé un autre pays comme ma mère a embrassé une autre culture, de moi, au milieu, métisse, bien plus Français que Béninois, pas d'ici dans les yeux de certains, peu importe l'endroit, mais avec le sentiment d'être à ma place, loin d'une cause qui vient de m'être exposée avec intelligence.