Double Je
Malgré 20 ans de carrière, le moins qu’on puisse dire c’est que Antoine Barraud n’a pas, jusque là, laissé de traces indélébiles dans l’Histoire du 7ème Art. C’est donc avec curiosité que je suis allé voir ces 107 minutes portées par une actrice incomparable, on le sait maintenant depuis longtemps. Judith mène une double vie entre la Suisse et la France. D’un côté Abdel, avec qui elle élève une petite fille, de l’autre Melvil, avec qui elle a deux garçons plus âgés. Peu à peu, cet équilibre fragile fait de mensonges, de secrets et d’allers-retours, se fissure dangereusement. Prise au piège, Judith choisit la fuite en avant, l’escalade vertigineuse. Hitchcockien ! Cet adjectif seul donne déjà envie de voir le film, mais porté par notre belge préférée… A voir en, surtout, en ne manquant pas le début du film.
La double vie, on l’a vu de nombreuses fois au cinéma pour des hommes, mais quasiment jamais avec une femme. Ici, notre héroïne, à la fois complexe et perverse, est tout le temps en train de défendre l’indéfendable. Malgré tout, on est en empathie avec ce personnage improbable qu’il est pourtant bien difficile de comprendre. C’est là le principal tour de force d’un scénario qui flirte sans cesse avec le thriller. La question de l’identité traverse tout ce film très rythmé, bien mis en images, au suspense soutenu par la musique originale de Romain Trouillet, tout tubas, cors, cordes très sèches, et même fausses notes. De la bel ouvrage !
Bien sûr, une fois de plus, Virginie Efira porte le film et éclabousse tout sur son passage. Ces deux « maris », Bruno Salomone et Quim Gutiérrez, jouent des partitions très justes. Et on est content de retrouver le jeune Thomas Gioria – le bouleversant petit garçon de Jusqu’à la garde, qu’on avait retrouvé en tête d’affiche dans l’étrange Adoration en 2020 -, ainsi que les apparitions de Valérie Donzelli et surtout de Jacqueline Bisset qui se fait rare sur nos écrans. Un drame psychologique très subtil, troublant et superbement mené qui vaut le détour.