En consultant le synopsis de « Un triomphe » m’est revenu immédiatement à l’esprit l’excellent film des Frères Taviani, « César doit mourir », Ours d’Or de la Berlinad 2012, David du meilleur film italien cette même année. Théâtre de la prison de Rebibbia, la représentation de "Jules César" de Shakespeare s’achevait sous les applaudissements. Les lumières s’éteignaient sur les acteurs redevenus des détenus. Ils étaient escortés et enfermés dans leur cellule. Le film suivait l’élaboration de la pièce, depuis les essais et la découverte du texte, jusqu’à la représentation finale, un savant mélange de scènes allant du casting aux premières répétitions, en passant par des états d'âme divers et variés, en s'arrêtant sur l'enthousiasme collectif ou sur le désespoir individuel, les Frères Taviani avaient magnifiquement réussi leur film. Un « Triomphe » d’Emmanuel Courcol, reprend le même cheminement mais les acteurs ne sont pas des détenus, mais des acteurs professionnels. Un « Triomphe » s’inspire d'une histoire vraie, celle de Jan Jönson, un comédien suédois qui, en 1985, a monté la pièce "En attendant Godot" avec les détenus d'une prison de haute sécurité, celle de Kumla…l’intelligence du casting a été de retenir des acteurs qui sont le reflet de la diversité propre à la population carcérale française, du moins telle qu’on se l’imagine….Sofian Khammes, Pierre Lottin, David Ayala, Wabinlé Nablé, Lamine Cissoko et Saïd Benchnafa, incarnent des détenus plus vrai que nature… tellement justes qu’on a parfois l’impression de regarder un documentaire, au style explosif, utilisant leur langage pour intégrer celui de Beckett , improvisant certains soirs devant un public médusé…Face à eux, et à coté de Kad Merad, omniprésent , Emmanuel Courcol a pris deux « grands acteurs » Marina Hands en directrice axée sur la réinsertion (un personnage inspiré, il parait, de la directrice du Centre pénitentiaire de Nantes) au jeu sobre mais qui se déclare coincée entre la Juge d’application des peines et les syndicats de la Pénitentiaire , surprenant témoignage et Laurent Stocker en directeur de théâtre…Kad Mérad, est Etienne, un comédien au chômage, qui n’est pas monté sur scène depuis trois ans…sa femme actrice l’a quitté, sa fille lui reproche son abandon et lui dit ses quatre vérités. .. Il vit de petits boulots, comme ces séances de stimulation de salariés d’entreprises au travers du Haka des All Black…et accepte de remplacer un ami en donnant des cours de théâtre en prison…La poignée de taulard qui se présentent est démotivée, ricanante, cynique, à l’affut de toutes occasions leur permettant de tuer quelques heures dans ce désert sans fin…Parce qu’attendre, le repas, la promenade , le coucher, l’heure qui vient est leur principale occupation des détenus…Etienne leur propose de jouer « En attendant Godot » de Samuel Beckett…en fixant comme objectif une représentation dans 6 mois… Des hommes un peu désœuvrés, attendant quelqu’un qui ne vient pas, ça vous parle !! explique Etienne…C’est un feel-good movie , réconfortant, savamment dosé entre humour et émotion et qui ne s’appesantit pas sur le passé des prisonniers…il n’y a pas d’histoire d’amour entre la directrice et Etienne...tout juste des regards échangés….c’est un film ambitieux et plein d’émotion qui tourne souvent le dos aux les clichés habituels sur la prison et qui en même temps est une pénétrante réflexion sur l’attente, forme inavouée de l’espérance et Kad Merad qui n’a jamais été aussi bon, y livre une prestation galvanisante et émouvante