Mike Mills a déjà fait bonne impression avec « 20th Century Women », créant une curieuse sensation entre la révolte et la douceur. Pour son troisième long, le cinéaste poursuit dans cette lignée et autant dire de suite que cette tendresse sera toujours la bienvenue. Après avoir sondé l’esprit du père, puis de la mère, il passe dorénavant à l’enfant, roi des mots et des émotions simples. Si le silence est d’or et que la parole est d’argent, on ne s’en fiera que pour répondre aux questions d’un journaliste radio, qui joue sur l’unique sens qui le préoccupe. Et c’est une matière de réflexion qui accompagne sa démarche, à la rencontre d’enfants à travers les Etats-Unis.
Johnny (Joaquin Phoenix) est un adulte à l’écoute et rassurant quand il s’agit de faire confiance à l’intelligence et la sincérité de l’autre, lorsqu’il le questionne sur son environnement, qu’il soit passé, immédiat ou à venir. Cette franchise, on la retrouve dès les premiers échanges, d’un optimisme implacable, malgré l’ouvert d’esprit sur les méandres de la vie. C’est un discours d’apprentissage qui se dessine en noir et blanc, où le portrait se veut intemporel. Pourtant, ce choix esthétique, bien qu’il nous laisse distinguer les valeurs d’une métropole à une autre, échoue à installer l’ambiance recherche. Ce ne sera qu’à la force de gros plans sur ses sujets et la prestation dynamique de Woody Norman en Jesse, que l’on se laissera emporter, qu’on se laissera régresser, le temps d’une folie et le temps d’une étreinte.
L’oncle Johnny doit ainsi faire face à la crise familiale, qui laisse le garçon de Viv (Gaby Hoffmann) entre les mains du journaliste célibataire, afin qu’elle veille sur son époux malade. Les deux duos ont un reflet similaire, mais ne sont pas forcément au même stade. Il leur faudra pourtant autant de temps pour se bâtir un lien solide, où le micro se tourne à présent vers Johnny, dans le rôle de grand frère, voire de gardien. La frontière se fait alors toute petite entre l’univers d’adulte et celui de l’enfant. L’un n’y voit pas assez clair dans la masse, tandis que l’autre se perd sciemment dans celle-ci, simplement pour pouvoir être retrouvé, être consolé ou pour choisir sa prochaine destination. C’est presque le début d’un deuil que le réalisateur nous livre, mais toujours avec des pensées chaleureuses, appuyer par des lectures spirituelles. Entre les deux, un flambeau générationnel brille et c’est avec une ivresse d’espoir que le récit devrait se consommer.
« Nos âmes d’enfant » (C'mon C'mon) cumule les rêveries et entrouvre une vulnérabilité nécessaire à la compréhension d’un monde qui a tendance à oublier. Le visuel pourrait aussi bien se concentrer sur la mutation des formes qui se déplacent dans les rues et où la communication sera difficile, entre le brouhaha incessant de la ville et un coup de fil hésitant. Johnny découvre frontalement les enjeux de l’éducation et sonde ainsi les limites de la fourberie hypocrite des secrets ou des non-dits. Jesse transpose tout ce qu’il a de plus actuel, alors que l’on se laisse un peu trop aller avec les écrans, qui brident de nombreuses tentatives d’interactions, précieuses dans la perpétuelle quête de maturité qu’il tutoie déjà.