J'ai vu Titane avant qu'il reçoive la récompense suprême de la Palme d'Or. Et je dois avouer que j'y suis allé avec beaucoup d'excitation suite aux réactions vives et aux évanouissements qu'a pu provoquer sa projection au festival. Après le très dérangeant Grave, qui m'a beaucoup marqué et plu, j'en attendais sûrement beaucoup de cette nouvelle curiosité atypique qui joue constamment sur l'effet de surprise. Impossible de résumer l'histoire sans en dire trop mais je me contenterai de dire que Titane est avant tout la rencontre entre deux êtres profondément blessés, physiquement et mentalement. Entre dualité et fusion, masculinité et féminité, réalisme et science-fiction, *Titane* s'articule de façon assez bordélique. Ayant écouté Julia Ducournau en interview suite à ma séance, j'affirme que c'est une grande réalisatrice à l'univers singulier, aux idées radicales et au sens de la mise en scène indiscutable. Ses cadres, son plan séquence impressionnant au salon de la voiture, sa gestion de l'espace, des couleurs, des sons, sa direction d'acteur prouvent qu'elle en a sous le capot (sans mauvais jeu de mots) et qu'elle se distingue amplement des réalisations tièdes en quête de bonnes critiques. Ici, Titane, c'est un pur délire esthétique à l'évolution imprévisible. C'est un cinéma puissant qui divise, qui dégoute, qui interroge, qui laisse perplexe... Sous ses airs de body horror qui rappelle l'essence de Grave, Titane déconstruit toutes attentes et se déleste de toutes logiques, de toutes cohérences pour créer une sorte de tragédie antique où la facette sombre de l'Homme interagit avec une touche de divin et de surnaturel. Contrairement à ce que j'ai pu lire, ce n'est pas son côté gore qui m'a outré. Ceux qui tournent de l'oeil n'ont clairement jamais regardé de film de genre, à l'instar de Funny Games. Non, moi, ce qui m'a déçu, c'est que malgré ce scénario gonflé de détails, d'effets et de mystère, je n'arrivais absolument pas à m'accrocher pour suivre cette évolution tortueuse jusqu'à son acmé final. J'ai trouvé l'histoire totalement tirée par les cheveux, voguant en permanence entre un semblant de normalité et un fantastique extrême et poussif, voire parfois grandiloquent. Au lieu d'être percuté, et après avoir été saisi par le trash de la première partie, j'ai trouvé l'histoire de plus en plus vacillante et absurde. J'ai donc regardé Titane sans en saisir sa pulsation. Je me suis même ennuyé, c'est dire. Peut-être que mon esprit cartésien m'a empêché de me laisser prendre par ce spectacle pour le moins rare sur nos écrans. Bon, les performances intensives des deux acteurs principaux sont tout de même étonnants. Vincent Lindon, à contre-emploi, et Agathe Rousselle, en anti-héroïne monstrueuse, frappent fort physiquement ! On sent l'acharnement, la sueur, l'investissement extrême qu'ont pu demandé certaines scènes pour être telles qu'elles sont. Est-ce que ça mérite la Palme d'Or ? Non... Mais au-delà du geste politique de cette Palme (une femme, un film de genre français ...), Julia Ducourneau demeure une réalisatrice talentueuse qui nous réserve une panoplie de cauchemars à venir ! Avec Titane, elle prouve que l'originalité et la richesse au sein du cinéma français ne sont pas morts et qui sait, peut-être que grâce à elle, une nouvelle ère cinématographique va voir le jour...