"Un vrai film de genre pour choquer la Croisette", "Titane, le nouveau film de Julia Ducournau, continue de retourner le cinéma de genre", "Avec Titane, le cinéma de genre français prend-il enfin ses marques ?",...Vous l'avez sûrement repéré, on se sert souvent de l'appellation "film de genre" pour qualifier le cinéma de Julia Ducournau. Passons sur le fait qu'une œuvre quelle qu'elle soit appartient à un genre, ou sur les assertions un peu rapides sur l'état du cinéma de genre en France, d'une richesse remarquable (et pas assez remarqué, il est vrai). Alors qu'est-ce qu'on entend par là ? La singularité de son univers, la radicalité de ses propositions ? Sûrement les deux, mais ces choses-là on peut les associer à un paquet de films, dans des catégories tout à fait différentes. Selon moi Titane correspond plus à une œuvre transgenre si je puis dire. Un aspect que le long-métrage aborde littéralement est symboliquement, par le biais de son étrange personnage principal Alexia. Un être clair-oscur, hybride par nature, équivoque par nécessité. Jusqu'à ce qu'on (et lui avec) ne sache plus très bien.
Julia Ducournau prolonge ses obsessions et questionnement sur le corps, comme moyen d'expression autant que comme matière en perpétuelle évolution. Ce qu'on en fait et ce qu'on lui fait subir, tout cela à même de changer le regard sur nous. Plus simplement, son rapport à la matière, au contact, aux sens ou au temps. Ici, cela commence par les mouvements qui font naitre les désirs, puis les chocs qui créent des émotions (fortes et violentes, en général) puis ses inévitables mutations ou altérations sur la durée. Tout cela reste la toile de fond, mais au premier plan se joue également une polyphonie des registres. L'horreur bien sûr avant que le drame intimiste s'invite dans la partie, pour s'achever dans une fable noire et déchirante. Insaisissable et onduleux, Titane n'est pas facile à saisir. C'est parfois troublant (où veut-il en venir ?), il faut l'admettre. Mais sa réalisatrice démontre qu'elle a parfaitement su digérer ses influences (Carpenter et Cronenberg sont explicitement évoqués) pour engendrer son propre langage (aussi bien esthétique que thématique). En résulte une initiative étrange, spéciale même, mais traversée de moments intenses et servie admirablement par sa distribution : la révélation Agathe Rousselle qui se donne sans retenue et le toujours aussi grand Vincent Lindon.