Alors je suis heureux que Julia Ducournau ait pu obtenir la palme d'or, pour enfin faire bouger les choses avec le cinéma de genre, qui est l'avenir des productions françaises avec un style à la française !
J'ai été très emballé par le film, mais celui-ci m'a à la fois enjoué et frustré. La réalisation est vraiment impeccable, avec un vrai travail du cadre, des mouvements pour apporter une vrai dynamique à l'image et aux scènes (cf le plan séquence du début, etc). Le travail du chef opérateur est aussi à souligner, vraiment sublime avec une réelle plus value pour appuyer la mise en scène et le jeu des acteurs (les scènes dans la salle de bain, la chambre, etc).
Vincent Lindon et Agathe Rousselle sont fantastiques dans leur rôle, avec des scènes très difficiles à jouer car ciblé essentiellement sur le corps et la gestuelle.
Tout est vraiment bien maîtrisé visuellement et à l'image, également au son avec un apport non négligeable des bruitages et sound design qui permet de marquer davantage les scènes abruptes et de violences.
Ma réelle frustration vient essentiellement du scénario.
Tous les éléments pour avoir une histoire dingue et puissante sont présents, mais je trouve que tout est assez fouillis et pas assez bien liés les uns aux autres. L'impression que le film soulève 3 thématiques voire plus donnant presque l'impression d'avoir des films différents dans un même film
(la violence dû au deuil/traumatisme de l'accident, le manque de repère avec l'arc sur la transidentité couplé au personnage de Vincent lui aussi en manque de repère depuis la disparition de son fils, et l'arc sur la transhumanité avec cet univers autour du métal et la métaphore du corps vs mécanique)
C'est d'ailleurs mon principal problème avec ce scénario, c'est la bascule effectuée entre la première partie
(l'enchaînement des meurtres en séries)
qui ressemble à un très bon slasher, puis la seconde partie
(la prise d'identité d'Adrien)
, qui me parait pas crédible en tant que telle, vis à vis du père et de la police, mais c'est pas la première fois que les autorités françaises sont pris pour des abrutis dans les films français, suffit de voir Lupin sur Netflix comme dernier exemple flagrant. ^^ Et à partir de là, le film bascule totalement vers une métaphore méta/méca, impliquant principalement
le développement d'un fétichisme sexuelle avec les voitures (lié à l'accident et la pose de la plaque en titane), l'identité de genre, le regard des autres vis à vis de cela, le jugement, une grossesse non désirée, une relation père-fils recomposée, une opposition entre virilité et genderfluid (avec l'arc autour des pompiers), l'addiction au stéroïde ou substance équivalente, le traumatisme de façon générale, l'amour, la mort
, bref, une panoplie de thématiques distillés tout au long du film qui sont hyper intéressants, je ne dis pas, mais qui sont tellement éparpillés ici ou là, qu'ils ne sont finalement pas connectés les uns aux autres de façon claire et net, ce qui apporte une grande confusion sur ce qu'il faut en tirer du film au final, avec une scène finale tout aussi sublime qu'étrange et ouverte à tellement d'interprétation mais qui ne fait pas forcément sens avec la totalité des éléments proposés dans le film.
Il y a aussi une énorme ellipse entre l'accident et l'âge adulte où elle s'est transformée extérieurement et intérieurement, déclic de toute la psychologie du personnage. Mais peu d'éléments concrets nous sont livrés jusqu'à la fin du film pour essayer de comprendre le rouage de sa personnalité et comment elle en est arrivé là, bien que l'on sache le pourquoi.
L'impression du coup d'avoir vécu un film unique en son genre, basculant tour à tour dans toutes les émotions (parce qu'il y a des scènes drôles et décalées aussi, la scène
du massage cardiaque avec la macarena, bien qu'elle soit largement inspirée et empruntée à la scène de la série The Office, était surprenante et apportait aussi une autre facette au film),
sans pour autant avoir la capacité de rassembler clairement tout ce qui nous a été montré et raconté. Au final, l'impression d'avoir vécu une nouvelle belle expérience de cinéma, où on touche du doigt quelque chose de particulier, je ne sait pas trop quoi ni comment l'expliquer, mais qui était vraiment là, qui m'a fait ressentir bien des choses. Peut-être est-ce là la VRAIE nouvelle définition du cinéma de genre :) Inclassable, inexplicable mais qui a le mérite d'exister, de façon unique.
Et en cela je dis Bravo et Merci Julia Ducournau pour ce moment.