Un vieil homme se réveille en pleine nuit, alors que sa maison s’emplit de pleurs et de sanglots. Il se lève, se met à la recherche de la personne qui exprime avec tant de puissance son affliction. Cet homme se nomme Enrique Monteverde, son personnage ayant pour modèle le général et dictateur Rios Montt qui, au cours des années 80, durant la guerre civile du Guatemala, s’est rendu coupable d’un véritable génocide du peuple maya. Le temps venu du jugement, contre toute attente l’homme est acquitté, ce qui provoque la colère de celles et ceux qui ont perdu des proches.
Le film est un quasi huis-clos, toute l’action, ou presque, se déroulant dans la maison du vieil homme, tandis qu’à l’extérieur se font entendre les clameurs de ceux qui dénoncent l’insupportable clémence des juges. Avec lui, avec l’ancien tortionnaire, ne sont restées que des femmes : son épouse, inflexible et entêtée, sa fille, troublée voire ébranlée, sa petite-fille et la seule domestique qui ne les a pas abandonnés.
Mais, en vérité, il y a quelqu’un d’autre, ou il semble y avoir quelqu’un d’autre, puisque, la nuit, des pleurs se font entendre dans la maison et réveillent le vieux dictateur. D’où proviennent-ils donc ? Ne serait-ce pas la Llorona, figure légendaire des récits guatémaltèques, une pleureuse qui vient hanter les coupables, seuls à pouvoir percevoir ses lamentations ? D’ailleurs, elle semble prendre forme humaine lorsque se présente une jeune femme prénommée Alma, qui se propose comme domestique. La maison manquant de main d’œuvre, elle est engagée. Or, elle aussi a perdu ses deux enfants. N’est-ce pas elle, en fin de compte, la Llorona des contes, venue rechercher et pleurer non seulement ses propres enfants, mais tous ceux qui ont été massacrés ? Elle est la porte-parole de toutes les victimes.
Pour mener à bien le récit, le film emprunte quelques codes du film fantastique, voire du film d’horreur, afin de les intégrer à l’histoire du vieil homme hanté par ses exactions génocidaires. Pour ce faire, nul besoin de gros effets spéciaux. Avec finesse, le réalisateur suggère plus qu’il ne montre. Et surtout, il invite, de cette manière, les Guatémaltèques à oser se confronter au passé récent de leur pays. La démarche est pour le moins courageuse, dans un pays qui a beaucoup de mal à assimiler son histoire. Elle mérite d’être saluée.