Après s'être intéressé à la communauté maya du Guatemala dans "Ixczanul", son premier long métrage, Jayro Bustamante avait continué dans "Tremblements" son exploration de la société de son pays en s'infiltrant dans la société bourgeoise de Guatemala City et en nous parlant de la perception qu'elle a de l'homosexualité et de l'énorme poids de la religion sur les individus. D'après le réalisateur, 3 mots sont discriminants dans son pays : "indiens", "homosexuels" et "communistes". Après avoir dénoncé, dans ses deux premiers films, la façon dont sont traités les indiens et les homosexuels, il termine ce qu'on peut qualifier de trilogie, par "La Llorona", qui parle, entre autre, du sort réservé aux communistes, ce qui, au Guatemala, désigne quiconque défend les droits de l'homme. Un film courageux car si, officiellement, le Guatemala est redevenu un état démocratique après une longue période de dictatures, il n'est pas facile de parler du passé dans ce pays.
Comme toile de fond du film, une légende, "La Llorona", qui raconte l'histoire d'une femme abandonnée par un homme, qui devient folle, tue ses enfants en les noyant dans une rivière, et est désormais condamnée à pleurer pour le reste de sa vie. Sauf que, dans le film, cette dimension très machiste a disparu, la Llorona devenant une justicière. On retrouve donc un général, Enrique Monteverde, qualifié de dictateur le plus sanguinaire de l'Amérique du sud, accusé après la dictature d'actes génocidaires, condamné dans un premier temps mais blanchi par la Cour suprême. La suite est un quasi huis clos dans la grande maison familiale, en permanence encerclée par une foule en colère, avec Carmen la femme du général, sa fille Natalia, sa petite-fille Sara, la fidèle domestique (indienne) Valeriana, une nouvelle domestique énigmatique (indienne) Alma et un policier garde du corps.
Je pensais, j'espérais que le film allait chercher à nous mettre "dans la peau" du général et nous montrer comment un criminel de son acabit se débrouillait avec sa conscience, quitte, pourquoi pas, à avoir des remords. En fait, il n'en est rien, le général, très malade, restant droit dans ses bottes, même si, dans la maison, il est le seul à entendre les sons d'une femme qui pleure. Par contre, il est intéressant de suivre les 3 femmes de la famille : la fillette devenant immédiatement très proche de Alma, Natalia étant de plus en plus assaillie par des doutes, voire des remords, et
Carmen, l'épouse du général, n'ayant qu'une forme de folie comme seul refuge.
Cette folie est montrée à la façon d'un film fantastique, Jayro Bustamante souhaitant que son film puisse toucher le grand public guatémaltèque, particulièrement friand de ce genre de film. Par contre, pour nous, peuple cartésien, ce n'est pas forcément évident, les gens à la sortie, n'ayant pas tous compris la même chose !
Dans la distribution, on retrouve María Mercedes Coroy, Maria dans "Ixcanul" et Alma dans "La Llorona", et Sabrina de la Hoz, Pastora dans "Tremblements" et Natalia ici. Quant à María Telón, Valeriana dans "La Llorona", elle joue dans les 3 films.
Accompagnant le générique de fin,
on entend une belle version, celle de Gaby Moreno, de "La Llorona", cette chanson populaire mexicaine, inspiré de la légende et connue dans toute l'Amérique latine.