On ne va pas se mentir : si j’ai regardé les deux premiers volets de ‘Creed’, au demeurant drames sportifs fort corrects, c’est surtout pour profiter de la présence d’un Rocky Balboa vieillissant et devenu coach du fils de son ancien rival et ami. J’imagine d’ailleurs que le ciblage était pensé comme tel dès le départ : milléniaux et Gen Z n’avaient d’yeux que pour Adonis Creed, boomers et Gen X attendaient fébrilement les apparitions de Stallone. Comme le torchon brûle désormais entre Sly et le producteur historique de la franchise Irwin Winkler, Rocky n’apparaît à aucun moment de cet épisode, dans lequel Creed occupe désormais la place que Stallone occupait dans ‘Rocky 5’, celle du jeune retraité qui rempile pour laver son honneur. Autre élément de proximité avec les Rocky fondateurs, c’est l’acteur principal, Michael B. Jordan, qui réalise désormais le film. Cependant, je dois dire que ‘Creed’ ressemble de moins en moins à un épisode de “Rocky”, c’est peut-être une bonne chose dans l’absolu, clairement une moins bonne chose pour le spectateur que je suis. Il y a des raisons dont le film ne peut être tenu pour responsable, qui sont sans doute générationnelles, et d’autres moins excusables. Par exemple, il est inutile de bloquer sur l’absence de Stallone, qui n’enlève finalement pas grand chose au film : après tout, il était temps que ce spin-off vole de ses propres ailes. En revanche, à ce stade de son histoire, Adonis Creed, c’est le Rocky bling-bling et pété de thunes des années 80, celui des épisodes les moins intéressants même s’ils sont ceux qui ont le plus cartonné au box-office: c’est un peu difficile d’y retrouver aujourd’hui les notions de dépassement de soi et le ring comme allégorie morale et sociale qui caractérisait autrefois la série, sauf à prendre le parti de l’antagoniste de Creed. Certes, la notion centrale est ici d’exorciser le passé mais le propos est singulièrement mal amené Cet élément occupe d’ailleurs une place centrale dans le scénario, au point de trancher avec le rythme immuable des vieux épisodes, qui fonctionnaient sur une montée en puissance continue qui culminait lors de l’affrontement entre les deux champions : ici, l’entraînement est expédié, le match n’est, malheureusement, pas des plus passionnants et le point qui m’a personnellement le plus choqué est que Creed ne semble pas vraiment amoché dix rounds plus tard, comme s’il fallait préserver l’image et la plastique avantageuse de l’acteur. C’est peut-être ça le principal problème de ‘Creed 3’ : de quelque chose qui ressemblait à l’origine à la version américaine d’un film dramatique sur le monde ouvrier, avec de la sueur et des ongles cassés, un petit demi-siècle aura fait une marque pour magazine sur papier glacé, avec des protagonistes vicieux, cupides, individualistes, dégoulinants d’égo. A ce niveau aussi, le film n’est sans doute rien de plus que le reflet de la société dans laquelle il a été conçu…mais ça fait quand même un peu peur.