Pierre Pinaud a voulu faire un film sur le milieu de la création de roses en raison de l'amour qu'il porte aux fleurs depuis son enfance. Lorsqu'il avait onze ans, ses grands-parents lui ont offert, ainsi qu'à son frère, une partie de leur jardin. Le metteur en scène se rappelle : "Nous avons aussitôt commencé à imaginer et dessiner notre jardin idéal, un jardin comme une sorte d’Eden. Il comportait une entrée, un chemin, un endroit aménagé avec un banc pour pouvoir lire, rêver, se reposer ou contempler les fleurs, tout au long de son parcours, une multitude de petites surprises dans la composition et l’agencement des massifs et, au fond, un grand espace pour laisser s’épanouir la lumière. Je crois bien que ce jardin a été ma première expérience de scénographie et de mise en scène."
La création de roses est une spécialité française au même titre que la haute gastronomie et le parfum. Sur la quarantaine de créateurs de roses existant à travers le monde, plus de vingt sont français, dont une grande partie est installée dans la région lyonnaise. Pierre Pinaud explique :
"J’ai découvert que la création de ces fleurs ne doit rien au hasard, qu’elle est au contraire basée sur une sélection très minutieuse : on prend les meilleurs 'pères' (étamines) et 'mères' (pistils), ceux et celles qui ont des caractéristiques remarquables, en terme de coloris par exemple, ou de résistance aux maladies, ou encore de parfum, et on les 'marie' dans l’espoir que leur accouplement donne naissance à des variétés dignes d’être présentées dans les concours. Comme il se trouve que les thématiques sociales m’ont toujours touché, j’y ai vu un parallèle frappant avec nos sociétés hyper concurrentielles d’aujourd’hui."
Pierre Pinaud voulait tourner La Fine fleur au milieu de champs de roses, à la campagne. Mais la plupart des créateurs de roses de la région lyonnaise sont souvent cernés par des zones d'habitations ou d’activités commerciales : "La Maison Dorieux, petite entreprise familiale, m’a offert le paysage dont je rêvais parce qu’elle se situe à Montagny, au cœur de la côte roannaise encore très préservée. Toutefois on a dû retravailler l’esthétique des bâtiments, recréer des serres, repenser les intérieurs en fonction de la mise en scène", confie le cinéaste.
Les scènes se situant au parc de Bagatelle, dans le Bois de Boulogne, ont été les plus difficiles à tourner parce qu'elles nécessitaient beaucoup de figuration (environ cent personnes !). Pierre Pinaud raconte : "Ce parc, qui existe depuis le XVIIIème siècle, abrite depuis 113 ans le concours de roses le plus prestigieux du monde. Je voulais qu’on débute le tournage là, au cœur de cet endroit qui fait rêver les amateurs de roses du monde entier, pour mettre les comédiens dans le 'jus'. Je n’ai pas tourné ces scènes pendant le concours, mais, pendant les repérages, j’avais pris quelques images, dont certaines ont été incluses dans le film. Comme on y voit de vrais membres du jury examiner et noter les roses, je les ai projetées aux comédiens qui ont pu ainsi s’inspirer de l’ambiance si particulière de ce concours."
Pierre Pinaud voulait faire un film très "français" et c'est pour cette raison qu'il a choisi Catherine Frot pour le personnage principal. "J’avais vu Catherine dans Les Saveurs du palais. Dans ce rôle de cuisinière périgourdine nommée responsable des repas personnels du Président de la République, je l’avais trouvée sensationnelle, très 'française' justement, jusque dans le bon sens et le culot que demandait son personnage. (...) Catherine a une autre qualité, rare chez les actrices : elle est terrienne. Elle habite physiquement ses rôles et a une incroyable précision manuelle. Quand Madame Dorieux est venue lui montrer comment on hybride une fleur, elle a su reproduire ses gestes à la perfection", précise-t-il.
Le film a fait partie de la Sélection Officielle de l'Alpe d'Huez 2021.
Pour le scénario de La Fine fleur, Pierre Pinaud a beaucoup pensé à La Part des anges de Ken Loach qui, à travers le portrait de petits délinquants dans une région déglinguée par la misère, parvient à montrer ce que le monde du whisky a de merveilleux. Le réalisateur note : "J’ai imaginé ce personnage de créatrice de roses artisanales au bord de la faillite, qui, faute de pouvoir payer de vrais pros pour la seconder, doit accepter l’aide de trois employés en insertion, trois malchanceux qui n’ont pas eu, comme elle jadis, la chance de naître du bon côté."
A noter la présence de Melan Omerta dans la peau de Fred, l'un des trois employés en insertion. Le metteur en scène Pierre Pinaud explique : "J’ai d’abord vu tous les comédiens référencés par les agents. Et un jour, toujours à la recherche de ce jeune acteur, en visionnant la sélection des courts métrages des César, j’ai découvert Melan Omerta. Il jouait dans J’mange froid de Romain Laguna. C’était son premier et unique rôle, et il crevait l’écran. Je lui ai fait passer un casting et il a fait l’unanimité par sa justesse incroyable. Pourtant dans la vie Melan n’est pas acteur mais rappeur. Je suis allé l’écouter en concert et quand il déboule sur scène, il magnétise toute la salle. Il a un charisme époustouflant. Il est, pour moi, une révélation. C’est lui qui a composé le rap qui est dans le film."