Sur le papier, il y a lieu de craindre le pire de « La Fine Fleur » point de vue scénario. A la lecture du résumé, une sale impression de déjà-vu se fait clairement sentir :
une entreprise au bord du bilan dans un petit domaine bien précis (et si possible qui a un rapport au terroir, c’est mieux !), une patronne passionnées mais bourrue, quelques candides que le spectateur accompagne dans sa découverte de ce petit monde si pittoresque, des embuches, de la mauvaise volonté, un drame inattendu et paf , une retournement de dernière minute qui redonne le sourire : emballé, c’est pesé !
Vous avez l’impression d’avoir déjà vu ce genre de film 100 fois, à la TV, au cinéma ? C’est que c’est le cas, à quelques variations près. Prenez « Les Parfums » sorti l’année dernière, c’est peu ou prou ce schéma là. Donc nous voilà devant un scénario qui, encore une fois, glisse gentiment sur des rails sans faire de sortie de route. Alors c’est frais, c’est charmant, on apprend des tas de chose sur l’hybridation des roses, on sourit, on s’attache à des personnages malheureusement bien trop peu écrits. On sait presque d’emblée comment cela va finir,
bien sans doute
,
avec un peu de rédemption et de remise en cause au final, tout cela bien enveloppée de nobles sentiments.
Tout juste a-t-on à faire à un personnage principal pas toujours sympathique : Eve est égoïste, elle n’a que faire de conserver les emplois, de payer les gens en temps et en heure, son but est de sauver l’entreprise qui porte le nom de son père, peu importe le moyens. Son côté « la fin justifie les moyens » serait presque la seule note un peu acide de ce film qui fleure bon le parfum capiteux des roses. Pour le reste, on a la panoplie habituelle, le délinquant qui rechigne à faire le job pour lequel,
ô surprise, il a finalement un don
; le chômeur de 50 ans façon « La France Insoumise » ; la gamine timorée au-delà du crédible ; l’employée effacée et exploitée qui n’en finit pas de ne pas de rebiffer, tout cela est quand même très formaté et attendu. Le vrai bon point du film c’est son casting impeccable, de Catherine Frot toujours parfaite à Vincent Dedienne très juste, de Melan Omerta émouvant à Olivia Côte, en passant par le beaucoup trop rare Fatsah Bouyahmed. Comme je l’ai dit plus haut, il est quand même dommage que seul de rôle de Fred (Melan Omerta) et celui de Eve (Catherine Frot) aient été véritablement écrits. Que saura-ton des autres ? Rien du tout ou tellement peu que cela en devient presque gênant. Pourquoi ce déséquilibre ? Si c’était pour donner au personnage d’Eve une sorte d’émotion maternelle, ça n’avait pas besoin d’écraser à ce point les autres personnages. Du coup, la jeune Marie Petiot et le formidable Fatsah Bouyahmed sont complètement inexploités. C’est dommage d’avoir un casting de très bonne qualité et de ne l’exploiter qu’à moitié. La réalisation de Pierre Pinaud est très propre, son film ne souffre pas de temps morts, de dialogues trop longs, trop appuyés, les scènes d’émotion sont justement dosée (pas de pathos) et
merci à lui de nous avoir épargné la petite histoire d’amour qui va bien, que je sentais poindre mais qui, Dieu merci, reste à l’état embryonnaire. Au moins, ce poncif là nous aura été épargné
. Je n’ai pas passé un mauvais moment de cinéma devant « La Fine Fleur » et je suis sure qu’un dimanche soir sur France TV, il fera un joli score et enchantera une fin de week-end. Mais on a beau tourner et retourner ce film dans tous les sens, un chouette casting ne peut à lui seul donner un très bon film. Il manque à « La Fine Fleur » la touche originale qui aurait fait la différence, un scénario inventif qui nous emmène hors des sentiers battus, des personnages complexes, bien écrits, qui posent des vrais problématiques. C’est quand même le comble, quand on y pense : tout le film parle de subtilité, d’hybridation complexe, de mariage audacieux entre des espèces différentes, et le scénario oublie de s’appliquer à lui-même ces thématiques ambitieuses. « La Fine Fleur » parle d’excellence, et pour un film qui ne parle quasiment que de ça, il manque cruellement d’ambition.