Al Capone, voici un nom qui est surement celui qui reste le plus célèbre de l’histoire du banditisme et qui eu une forte inspiration sur le film de gangsters parmi lesquels se trouve le Scarface d’Howard Hawks (Scarface étant un surnom donné au véritable Al Capone). Ce dernier film connu en 1983 un remake contemporain s’éloignant fortement du personnage d’Al Capone signé Brian De Palma. Ce dernier retourne pourtant au personnage d’Al Capone en réalisant l’adaptation cinématographique des Incorruptibles. Même si ce film s’inspire des mémoires d’Eliot Ness (qui chercha à faire emprisonner Capone et qui est le héros du film) et indirectement de la série télévisée qui en découla (avec Robert Stack dans le rôle de l’agent fédéral), le film de Brian De Palma est extrêmement éloigné de la réalité
(ce n’est pas Eliot Ness qui permit en réalité de faire emprisonner Capone; les Incorruptibles était 11 et non 4; les 3 hommes choisis par Ness pour former son équipe n’ont jamais existé; Frank Nitti n’est pas mort pendant le procès de Capone mais en 1943 et a même repris la tête du clan de Capone lorsque celui-ci a été emprisonné…)
. Une fois accepté le fait que nous sommes face à une complète fiction, l’œuvre de De Palma devient un film policier totalement passionnant.
L’intrigue, écrite par David Mamet, est rondement menée et n’ennuie jamais une seconde. De Palma y manie une ironie assez plaisante
en montrant, au début, Ness prendre de haut Wallace quand il lui parle de comptabilité (ce qui sera finalement l’élément qui permit d’emprisonner Capone) ou dans la séquence finale montrant un journaliste disant à Ness qu’il se peut que la Prohibition soit abolie (ce qui dans la réalité n’arrivera que 2 ans plus tard)
.
Les personnages sont attachants et bénéficient d’une interprétation de tout premier ordre : Kevin Costner dans le rôle de Ness
(un homme droit qui peut cependant être victime d’accès de colère quand il balance Nitti du toit d’un immeuble, meurtre qui ne lui est d’ailleurs étrangement jamais reproché)
, Charles Martin Smith en comptable acceptant l’aventure, Andy Garcia dans un de ses premiers rôles (c’est ce film qui le fit véritablement connaitre), Billy Drago dans le rôle de Nitti mais surtout Sean Connery qui joue le policier le plus charismatique de l’équipe et Robert De Niro qui, malgré l’absence de la célèbre cicatrice (qui lui valu le nom de Scarface) crée un Al Capone d’une incroyable vérité (il prit 12 kilos en 5 semaines, se rasa le front et retrouva les tailleurs créant les costumes du gangster afin de leur en commander d’identiques…) et terrifiant (il faut le voir passer d’un calme apparent à une extrême violence lorsqu’il exécute un de ses hommes à coups de batte de baseball).
Outre ces excellents comédiens, le film bénéficie aussi de la mise en scène d’un Brian De Palma au sommet de sa forme. Malgré l’absence de split-screen, il utilise les techniques cinématographiques qui font sa marque de fabrique
(utilisation de la demi-bonette, plan-séquence comme celui précédant la mort de Wallace…)
tout en conservant son goût de la citation cinématographique
(la séquence canadienne évoquant le western, le plan-séquence filmé en caméra subjective précédant la mort de Malone faisant penser au premier plan de La Nuit des masques de John Carpenter, la phrase "Il ne faut jamais s’arrêter de se battre avant que l’adversaire soit K.O." dite par Ness à Capone est une référence à la boxe qui nous rappelle que de Niro fut l’interprète de Jake LaMotta dans Raging Bull de Martin Scorsese…)
sans jamais sombrer dans le ridicule
(la référence la plus célèbre, à savoir la séquence de l’escalier fortement et clairement inspirée du Cuirassé Potemkine de Sergueï Mikhaïlovitch Eisenstein, frôle, par son travail sur la dilatation du temps et par ses ralentis, à de multiples reprises la caricature sans ne jamais en franchir la très fine limite)
, chose qui ne sera pas toujours le cas dans la carrière de De Palma.
Enfin, comment ne pas parler des Incorruptibles sans évoquer la musique d’Ennio Morricone ? Ce génial compositeur signe une bande originale qui, outre son thème principal mémorable, est tout à fait admirable de bout en bout et est à classer aux côtés de ses plus belles compositions.
Les Incorruptibles reste donc un sommet dans la carrière de De Palma et une œuvre maitresse du cinéma policier des années 80, voire du cinéma tout court.