Passé plus ou moins inaperçu, ‘Saint Maud’, premier film d’une jeune réalisatrice britannique, impose pourtant sans coup férir cette dernière comme une personnalité à suivre, grâce à un script intelligent et une approche équilibrée qui refuse de choisir entre la réflexion et le spectacle. La Maud en question est aide-soignante à domicile chez Amanda Köhl, ancienne célébrité de la danse moderne, que sa maladie a rendu acariâtre. Cette dernière est hédoniste, athée et volontiers moqueuse, tandis que Maud, après un passé douloureux que le scénario ne fait que suggérer, s’est figée dans une foi rigoriste et intransigeante. A mesure que le comportement de sa patiente heurte ses valeurs personnelles, Maud commence à se persuader que tout fait partie d’un plan orchestré par Dieu pour éprouver sa foi. Du début à la fin, ‘Saint Maud’ procède par petites touches, sans surexplication si ce n’est dans le dialogue en voix off que la jeune femme entretient avec son Créateur. Ce portrait de femme(s) brisée(s), d’essence bien plus dramatique que fantastique ou horrifique, repose intégralement sur les brillantes incarnations des deux protagonistes par leurs actrices respectives, et sur la volonté de la réalisatrice de ne pas essentialiser ces deux archétypes au risque de les rendre unidimensionnels : Amanda n’est ni une victime ni une marâtre mais simplement une femme lasse, que la certitude de sa fin prochaine a poussé à se réfugier dans le cynisme. Quant à Maud: elle est continuellement en proie au doute, tiraillée entre ses croyances et ce que lui dicte sa raison et ses envies. Rose Glass essaye de décortiquer la manière dont des éléments en apparence anodins peuvent en arriver à susciter la dérive chez une personne fragilisée, sans qu’il soit possible de faire reposer l’entière responsabilité du drame à venir sur les épaules de l’une ou de l’autre. De la même manière, les éléments fantastiques présents, dont le film fait un usage modéré, n’existent vraisemblablement que dans l’esprit exalté de Maud, bien que rien ne vienne réellement confirmer ce point de vue, ce qui permet de renvoyer habilement chacun à ses propres croyances face aux mystères de la foi.