Simon Stone réussi, mine de rien, un petit exploit : réussir à nous accrocher devant notre écran pendant presque 2 heures avec pour sujet principal un type qui creuse la terre ! Alors bien-sur, moi j’ai adhérée parce que d’emblée le sujet m’intéresse, que l’archéologie reste un domaine fascinant et que l’histoire du Moyen Age, ça me parle. Si on est biberonné aux super héros, c’est sur que « The Dig » ça ne va pas le faire ! Simon Stone réalise un film très bien tenu, nous réservant même quelques scènes assez fortes, comme celle,
complètement inattendue, de l’accident de fouille au début (l’archéologie, c’est dangereux, pas comme chez Indiana Jones mais quand même…) ou celle du crash aérien.
Il parsème son film de scènes de romance, de tendresse (entre Basil et le jeune Robert, de scènes de poésie aussi entre mère et fils) sans que jamais elles ne viennent plomber le film en devant larmoyantes. Il y aurait ajouté un tout petit soupçon d’humour et le cocktail aurait été parfait. La musique est charmante sans être assourdissante ou entêtante, et la reconstitution de l’époque, et de l’ambiance de l’époque est bien rendue. Nous sommes à l’été 1939, la Guerre est dans toutes les têtes, tout le monde sait bien qu’elle est imminente et cela à une grande influence sur l’intrigue : il faut mener la fouille tant qu’on le peut encore, et qu’adviendra-t-il en cas de bombardement du site (nous sommes dans l’est de l’Angleterre, particulièrement exposé) ? Cette Guerre, elle est régulièrement évoquée par des avions de la RAF qui survolent les fouilles. Toute le monde lève la tête pour les regarder à chaque fois, ils lâchent des yeux leur découverte millénaire qui les émerveille pour regarder le ciel, cet avenir sombre qu’ils vont devoir affronter : on est à deux doigts d’un message philosophique ! Simon Stone réussit son coup aussi grâce à son casting, tout en sobriété. Carey Mulligan est une veuve fragile et souffrante, passionnée, qui affronte sa vie plus qu’elle ne la vit. Ces monticules et ce qu’ils cachent, c’est quelque chose à laquelle elle s’accroche un peu comme si sa vie en dépendait. Elle aussi regarde le passé, et refuse d’évoquer l’avenir, son avenir à elle étant plus ou moins bouché,
elle est cardiaque
, veuve et la Guerre va emporter son pays dans la tourmente, on comprend bien que l’archéologie soit une sorte de refuge. A ses cotés, Ralph Fiennes incarne un excavateur un peu taiseux, orgueilleux et obstiné, qui creuse par passion et avec un vrai savoir faire, ce qui le met en position délicate avec le British Museum qui veut l’empêcher de poursuivre et reprendre la main. Les seconds rôles sont un peu éclipsés, comme celui Lily James en jeune archéologue malheureuse en amour
(son mari n’est visiblement pas strictement hétéro)
qui évidemment tombe amoureuse du cousin Rory Lomax, qui porte si bien l’uniforme de la Royal Air Force. Cette petite histoire d’amour est peut-être le point faible du scénario, c’est une petite scorie dont on aurait pu se passer, tant cette histoire sent l’eau de rose ! On préfère regarder se nouer à l’écran d’autre relations plus touchantes, celle du jeune Robert avec Basil Brown par exemple, une relation père-fils dont ils ont besoin tous les deux sans que jamais cela ne soit formulé ainsi. Quant à la relation Edith/Basil, elle est difficile à définir, plus immatérielle, plus fondée sur la passion de l’archéologie et le sens du devoir envers l’Histoire. Mais le scénario ne se contente pas d’analyser les relations entre les personnages car le personnage principal, il ne faut pas l‘oublier c’est ce qui se cache sous le monticule. Il faut avoir sans doute une certaine sensibilité historique pour comprendre combien elle est importante sur le plan archéologique. A l’époque, les Historiens voient encore le haut Moyen Age comme une époque de barbares mal dégrossis, sanguinaires et sans véritable culture. Le culte de l’Antiquité, encore très en vogue, fait apparaitre tout ce qui suit comme une grande décadence dans tous les sens du terme. Ce qu’ils découvrent ouvre la voie à une autre vision
de cette époque Mérovingienne
, très différente de ce qu’ils imaginent et qui va faire son chemin dans l’Historiographie d’après-guerre. C’est un tournant que l’on doit à la découverte de Basil Brown, et cela va d’autant plus mal passer qu’il est un « sans diplôme ». Cette condescendance envers lui, de la part des archéologues en chef du British Museum est très bien rendue par le scénario et on aurait tort de la considérer comme anecdotique. En résumé, si l’Histoire avec un grand H, ça vous parle, si vous avez envie d’un film qui s’adresse à votre cerveau, si vous avez envie d’apprendre des choses relativement pointues tout en matant un bon film de cinéma, et évidemment si vous avez Netflix, alors « The Dig » est un excellent choix.