Ce film fait partie de la section éphémère "Le cinéma pour le climat" du Festival de Cannes 2021.
Marcher sur l’eau est né sous l'impulsion du producteur Yves Darondeau qui a proposé à Aïssa Maïga en mai 2018 d’écrire un film suite aux repérages effectués en Afrique de l’ouest par le journaliste Guy Lagache, sur une communauté villageoise se battant pour l’eau dans le contexte du réchauffement climatique, avec la promesse d’un puits. Aïssa Maïga a quasiment mené de front la réalisation de Marcher sur l’eau et de Regard noir, documentaire co-réalisé avec Isabelle Simeoni.
Le producteur Yves Darondeau a proposé à Aïssa Maïga de tourner au Togo, au Burkina ou au Niger, dans une communauté peul. La grand-mère d’Aïssa Maïga était Peul du Niger. « En fait, j’ai été appelée par ce projet : je sentais que j’avais quelque chose à exprimer à travers cette question de l’eau, et sa conséquence, l’éclatement de la cellule familiale. J’ai donc jeté mon dévolu sur le village de Tatiste, dans cette région de l’Azawagh, qui se situe à 15 heures de route de Niamey, la capitale du Niger », explique la réalisatrice.
Marcher sur l’eau a été fait en collaboration avec l’ONG Amman Imman (qui signifie “l’eau c’est la vie”), porteuse d’un projet de forage. Aïssa Maïga a écrit le scénario avec la directrice de l’ONG et anthropologue, Ariane Kirtley.
Le documentaire se focalise sur Houlaye, une adolescente de 14 ans qui s’occupe de ses deux petits frères lors des absences répétées de leurs parents, pris par leur travail. « Je trouvais intéressant de centrer le récit sur une jeune fille qui n’est pas encore une femme mais a d’énormes responsabilités, qui la fragilisent du point de vue de l’école. Parce qu’on sait très bien que si elle n’est pas assidue à ce moment-là, si sa scolarité est interrompue, il est probable qu’elle s’arrêtera complètement ; et c’est toute sa vie de femme, de citoyenne et de mère qui s’en trouvera impactée », développe Aïssa Maïga. Très timide au début, la jeune fille a appris à être à l’aise devant la caméra, au point de donner des indications aux autres villageois.
Aïssa Maïga revient sur la façon dont elle a conçu Marcher sur l’eau : « L’idée était de filmer le réel et, en même temps, de provoquer ce réel en induisant des situations. J’ai donc dû diriger Houlaye et ses petits frères, ainsi que les autres villageois, sa tante Souri et l’instituteur, qui étaient de vrais personnages. » Elle souligne cependant que sa démarche restait profondément documentaire : elle veillait à respecter la culture de ses protagonistes et à maintenir sans cesse le dialogue pour être certaine de ne pas les contraindre.
Ne pouvant rester sur place durant un an et demi, principalement pour des raisons de sécurité, Aïssa Maïga revenait au Niger à chaque changement de saison. Il fallait chaque fois faire avec les emplois du temps des villageois qui avaient de vrais impératifs économiques, qui font qu’ils n’étaient pas forcément là au moment où l’équipe revenait. « Je suis arrivée avec une trame, mais rien de trop figé, l’essentiel étant de leur faire comprendre ce qui se jouait, ce que j’essayais de capter de leur vie », affirme la réalisatrice.
Si l’équipe technique était réduite, elle était toujours accompagnée de quatorze militaires, de policiers en civil, de plusieurs chauffeurs, de deux véhicules blindés et de grosses voitures.
Dans le monde, environ 2,2 milliards de personnes n’ont pas d’accès direct à l’eau potable. Chaque jour, ce sont 10 000 personnes qui succombent en raison du manque d’eau ou de maladies dues à la consommation d’eau contaminée. Le Niger, pays semi-désertique au cœur de l’Afrique subsaharienne, est frappé de plein fouet par le changement climatique et les sécheresses à répétition. Mais il est aussi l’un des endroits au monde où le combat des communautés rurales et de leurs habitants pour résoudre ce problème, avec le soutien du gouvernement, est le plus déterminé et dynamique.
Quelques faits édifiants sur l’accès à l’eau potable à travers le monde, d’après l’OMS :
- 785 millions de personnes ne disposent même pas d’un service de base d’alimentation en eau potable (c’est-à-dire, situé sur le lieu d’usage, disponible à tout moment et exempt de toute contamination) et 144 millions d’entre elles doivent utiliser des eaux de surface.
- Dans le monde, 2 milliards de personnes utilisent des points d’eau contaminés par des matières fécales.
- D’ici 2025, plus de la moitié de la population mondiale vivra dans des régions soumises au stress hydrique.
- Dans les pays les moins avancés, 22 % des établissements de santé n’ont aucun service d’alimentation en eau, 21 % aucun service d’assainissement et 22 % aucun service de gestion des déchets.