Alors que les cendres de « Au revoir là-haut » sont encore chaudes, Clovis Cornillac (Un peu, beaucoup, aveuglément ; Belle et Sébastien 3 ; C'est magnifique !) succède à Albert Dupontel, pour reprendre les écrits de Pierre Lemaitre. L’auteur signe également l’adaptation du scénario, dont on comprend rapidement des exigences revues à la baisse, autant dans le déroulé de l’intrigue que dans la mise en scène, trop confuse en apparence. Alors que le film précédent, s’attardait sur les conséquences d’après-guerre et ce retour à la vie impossibles pour des poilus oubliés ou chassés pour leur apparence, cette suite met en valeur la montée de régimes totalitaires, au détour d’un déclin économique mondial. On revisite ainsi l’Histoire, par le prisme d’une famille qui a perdu tout innocence et qui n’a plus que la vengeance ou l’admiration de l’art afin de se reconstruire.
Son ouverture a de quoi surprendre et inquiéter dans le même temps. Le plan-séquence labyrinthique qu'il constitue, fait l'exposition des protagonistes, tout en poussant les curseurs du tragique à fond, sans subtilité, ni sincérité. Au centre, Madeleine Péricourt (Léa Drucker) est au bord de l'implosion et n'avait donc pas besoin que son fils unique se défenestre directement sur les obsèques de son défunt père. Ce fil conducteur avec l’œuvre précédente disparaît donc son tombeau, ne laissant qu’une lutte pour l’argent, révélant ainsi les alliés et les ennemis. Il n'en faut pas plus pour comprendre que le calvaire est à venir pour cette héritière, dont les conseillers proches souhaitent soutirer tout l'héritage et la fortune de cette dame endeuillée. Cela permet entre autres de faire un état des lieux grimaçant, d'une France d'après-guerre qui ne semble pas tout à fait avoir digéré ses pertes. Il est donc temps de s'attarder sur les profits, dans la décadence et par crainte que la bourgeoisie ne puisse plus jouir de ses bienfaits, tout à fait superficiels, autant dans son confort que dans son prestige.
Le récit nous affuble ainsi d'un entrepreneur machiavélique (Benoît Poelvoorde), d'un oncle coureur de dot (Olivier Gourmet), d'un journaliste qui n'a pas la plume dans sa poche (Jeremy Lopez) et d’une ménagère loin d’être aussi incisive qu’une femme fatale (Alice Isaaz). Tous tombent dans la spéculation des vices, qui se retournent indéniablement contre eux et à leurs dépens. Et dans l’ombre ou en arrière-plan, Cornillac pilote le film et déverrouille des portes vers des rebondissements nécessaires à l’intrigue, sous les traits de Dupré, homme à tout faire, toujours là au bon moment. Lé récit est donc loin de se dispenser de raccourcis, mais il s’agit d’une qualité qu’on ne peut lui ôter, à savoir un sens du rythme aux « Couleurs de l’incendie », qui, une fois le synopsis dépassé, peut enfin laisser Madeleine investir dans une vengeance triomphante.
Hélas, tout est loin de convaincre, que ce soit sur la scène émotionnelle ou formelle. Quand une cantatrice (Fanny Ardant) pousse son dernier souffle, la symbolique l’emporte sur son iconisation et d’un autre côté, l’adaptation de Cornillac a sans doute peu à raconter sur l’époque contemporaine, miroir d’un mal omniscient, régi par l’appât du gain. La légèreté que l’on distille alors, tout au long du périple, semble aussi vaine que tout acte de rébellion contre son auteur, pourtant ouvert sur la caractérisation de son héroïne qui n'a plus rien à perdre. Sans vouloir trop en donner, l’œuvre se veut être un témoin de la grande Histoire, dont on démontre les symptômes évidents, au cœur d’un polar trop fébrile pour nous laisser penser que l’on file droit vers une Grande Dépression.