Depuis le temps qu'on me conseille ce film, il était temps que je le voie. J'avais été séduit par Brown Bunny, même si je n'en étais pas sorti extrêmement convaincu, le film alternant à mon goût les scènes de génie et les passages ennuyeux. Pour Buffalo'66, ma critique va être bien différente car j'ai trouvé l'ensemble des séquences passionnantes et savoureuses. Le synopsis m'avait déjà intéressé avant même de lancer le film : un homme sort de prison et kidnappe une femme afin de la faire passer pour sa femme auprès de ses parents. Vincent Gallo est prodigieux à la fois devant et derrière la caméra et donne la réplique à Christina Ricci qui m'a totalement bluffé. En tant que réalisateur, Gallo fait preuve d'une grande originalité dans Buffalo'66 et c'est (entre autres !) ce qui m'a particulièrement plu. Les idées de mise en scène sont inventives et on a rarement l'occasion de voir ça au cinéma. Le film regorge de passages exquis à l'ambiance travaillée, entrecoupés d'ellipses maîtrisées comme un art. Difficile de ne pas être pris dans cette étrange atmosphère qui force le regard, notamment lors de deux séquences hypnotisantes qui font de ce film une oeuvre unique : la chanson du père et la danse de claquettes de Christina Ricci au bowling. Les deux scènes m'ont troublé et marqué par leur côté surréaliste, amenant un peu de poésie au coeur de ce film assez noir. Car, en effet, le film est plongé dans un climat très froid et sombre provoqué par une photographie et des couleurs assez désaturées. Le film ne laisse pas beaucoup de place au bonheur, cet environnement presque glauque imposant justement au spectateur le désarroi de Jimmy dont la vie s'avère quelque peu déprimante. Le début du film annonce d'ailleurs immédiatement la couleur en nous présentant un personnage torturé et seul, tellement seul que personne ne vient le chercher à sa sortie de prison. Au cours du film, le personnage qui est au premier abord très loin d'être parfait devient de plus en plus attachant à mesure qu'on découvre son passé et l'atrocité de sa vie. Jimmy est en fait un homme qui n'a jamais connu l'amour et n'a jamais pu en donner. Intimement détesté par sa mère pour une raison scandaleuse, il n'attire pas non plus la sympathie de son père et semble donc ne pas avoir bénéficié d'amour familial. La séquence du dîner chez les parents de Jimmy est fabuleuse pour deux raisons. Premièrement, parce qu'elle nous montre rapidement ce qui peut bien se passer dans la tête du personnage principal et constitue un passage hautement dramatique du film, que Layla traverse avec effroi en même temps que le spectateur. Deuxièmement, parce que la réalisation est vraiment très originale et recherchée. La façon de filmer les personnages autour de la table est brillante, permettant de voir les réactions de chacun d'entre eux à l'aide de plans fixes. De plus, la scène n'est pas sans humour, grâce notamment à Christina Ricci qui s'avère époustouflante. D'ailleurs, l'humour est relativement présent dans le film, apporté par un Kevin Corrigan qui ne cessera jamais de me faire rire. Concernant le sentiment amoureux, Jimmy n'a visiblement pas été gâté non plus de ce côté, ce qui fait de lui finalement un homme dépourvu d'amour propre, ayant envie d'en finir avec la vie. Le visage de Vincent Gallo, ses expressions et notamment son regard sont en phase avec le personnage et il faut dire qu'il excelle en tant qu'acteur, ses yeux expressifs et profonds exprimant à la perfection la détresse du personnage. Le seul espoir qu'il lui reste est incarné par Christina Ricci qui prouve ici son talent d'actrice conséquent. Son personnage est complètement déluré et original, passionnant, et les dialogues entre elle et Jimmy sont brillants, même lorsque ces dialogues sont uniquement des dialogues de regards. On ne saura rien de cette fille, d'ailleurs, sauf à travers la relation inhabituelle qu'elle entretient avec Jimmy. Un personnage mystérieux et attachant qui est la seule capable de sauver Jimmy de sa vie en lui apportant l'amour qu'il n'a jamais connu. Mais y parviendra-t-elle ? Tout se joue à la fin du film que je ne vais évidemment pas révéler, mais qui est magnifique, à la fois tendue et soulageante et toujours composée d'idées visuelles originales comme les arrêts sur image vraiment beaux. Bref, Buffalo'66 est tout simplement magistral, avec un titre extrêmement bien choisi puisqu'il soulève les deux enjeux majeurs du film (à savoir : la relation avec sa mère, mais aussi la clé de son avenir, reposant sur une seule et unique décision). Un film original et déroutant qui a l'étoffe d'un futur film culte.